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écrit des rondos, des polkas, des chœurs d’orphéons. A la place de l’honorable M. Bazin mettez un Italien, non pas un Cimarosa ou un Rossini, mais un Ricci, même un Cagnone, l’auteur de Don Bucefalo, et tout de suite les rôles seront changés, la musique entraînera la pièce ; vous aurez un opéra bouffe, tandis qu’ici vous n’avez rien qu’une bouffonnerie sans opéra.

Il ne faudrait pas cependant à, ce propos enfler la voix outre mesure. L’Europe ne court aucun danger et la France ne périra point, grâce à Dieu, pour une fantaisie un peu trop carnavalesque jouée à l’Opéra-Comique, et, ce qui est pis, si bien jouée, qu’on se croirait tout autre part. Seulement il ne me paraît pas qu’on doive beaucoup encourager la tentative. Elle réussit cette fois, laissons-la faire, mais n’y revenons pas. Le nombre est assez grand des scènes exclusivement réservées aux exploits de la muse burlesque sans qu’on aille encore l’augmenter. Quand on est l’Opéra-Comique, quand on a, comme le Théâtre-Français, un répertoire que le monde entier vous envie, on demeure en quelque sorte obligé par certaines traditions dont il convient de ne s’écarter que le moins possible. Au lendemain de ce Voyage en Chine j’entendais, l’Ambassadrice, qu’on reprenait l’autre soir pour la rentrée de Mme Cabel. C’est le modèle du genre. Pièce et musique marchent ensemble de compagnie ; tandis que le dialogue va son train, l’orchestre ne cesse pas un seul instant de tenir en éveil votre curiosité, le chant de vous intéresser. On a beau dire, savoir son affaire est le grand point. La collaboration dont la plupart de ces charmans ouvrages sont sortis se composait d’auteurs connaissant à fond la matière, et qui tous, très capables d’écrire au besoin des comédies et des vaudevilles, savaient pourtant qu’un opéra-comique n’est ni une comédie ni un vaudeville. La musique n’a déjà que trop abondé dans ces associations banales ; depuis le décret promulguant la liberté des théâtres, il ne s’élève pas un tréteau sur lequel on ne la voie monter. Elle sert aux plus ignobles parodies, s’encanaille dans les plus bas lieux : chansonnettes en action, opérettes, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Laissons cet art forain mener sa bacchanale, né nous mêlons pas de lui faire concurrence, il prospérera toujours assez sans nous. Claudile jam rivos, car en vérité les cascades nous débordent.


F. DE LAGENEVAIS.


ESSAIS ET NOTICES

Le Bosphore et Constantinople avec perspective des pays limitrophes, par M. de Tchihatchef ; Paris, Morgand, 1865.

Parmi les diverses contrées de l’ancien monde, l’une des plus admirables, personne ne l’ignore, est celle où les promontoires avancés de l’Europe et