peaux ? Au nom de Dieu, si vous voulez vivre, ne vous laissez pas envahir par la lèpre du délabrement financier. Il est bon, quand des peuples ont à combattre pour des questions suprêmes de liberté et l’existence, qu’ils ne ménagent pas plus l’or que leur propre sang. La France pendant la révolution, les États-Unis hier même ont donné l’exemple de ces prodigalités héroïques qui sauvent les peuples ; mais, quand ces crises suprêmes sont passées, il ne faut pas se laisser dégrader paresseusement et lentement par la misère chronique. Prenez donc un grand parti : rompez avec les routines, ayez le courage d’être modernes, suivez l’exemple que vous donnent les États-Unis, renvoyez cent mille hommes, et attendez d’être devenus riches pour vous donner le luxe d’une grande armée.
L’exemple de l’Espagne devrait être aussi pour l’Italie un avertissement en sens contraire. La session est ouverte en Espagne. La reine a franchi le pas délicat de la rentrée à Madrid. La réception qu’elle a rencontrée dans sa capitale a été froide, quoi qu’en aient dit les télégrammes officiels ; mais à l’honneur de la population de Madrid elle n’a point été traversée par les manifestations grossières dont le bruit public avait si longtemps répété l’odieuse menace. Le confesseur favori est revenu près de la reine, mais il faut espérer qu’on n’entendra plus parler des intrigues de camarilla. Il est difficile d’apercevoir encore si, devant un parlement nouveau dépourvu de toute opposition, le cabinet du maréchal O’Donnell trouvera l’occasion de dessiner une politique intéressante. C’est surtout aux questions financières que nous attendons ce cabinet ; la reine, dans le discours d’ouverture, a fait allusion à ces questions comme devant être soumises aux chambres durant la session. Nous sommes curieux de voir les solutions que le ministre des finances du maréchal O’Donnell apportera aux problèmes du crédit espagnol. Plus heureux que la reine d’Espagne, l’empereur d’Autriche a eu un beau jour à l’ouverture de la diète hongroise. L’enthousiasme est l’état d’âme qui s’accommode le mieux aux brillantes qualités extérieures des Magyars. L’éclat des costumes, l’élégance des attitudes, les eljen donnent aux réunions politiques des Hongrois un charme pittoresque dont il semble que l’on ressente l’effet même à distance. Le roi de Hongrie et les Hongrois ont eu l’air de s’entendre à merveille dans cette première rencontre. Quant à nous, nous n’avons pas caché dès l’origine les vœux que nous formons pour le succès du rapprochement aujourd’hui si solennellement tenté. Ce serait une vraie joie pour les libéraux européens de voir ces races vivantes, intelligentes, généreuses, de Hongrie rentrer enfin dans le mouvement et le bruit des affaires européennes. Il est aussi d’un haut intérêt d’avenir qu’une grande confédération animée de l’esprit moderne se forme le long du Danube, et pour l’organisation de ce système l’accord de François-Joseph et de la Hongrie paraît être le moyen le plus certain et le plus expéditif. L’opposition des Allemands à l’ordre de choses qui se prépare ainsi devient plus sèche et plus raide à mesure