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généité qui peut exister entre les chefs des divers départemens ministériels que se mesure la prospérité des finances d’un état. À ce point de vue, nous avons bien des progrès à faire. Pourtant, quoique notre système financier soit encore éloigné de la perfection, nous n’aurions guère à nous plaindre, si, au lieu de nous comparer à l’Angleterre, nous nous mettions en parallèle avec la plupart des grands états du continent. Voilà, par exemple, l’Italie, dont la crise ministérielle coïncide avec la révélation plus complète de ses embarras financiers. La nouvelle chambre ne semble point avoir eu un tempérament assez robuste pour supporter la lumière que M. Sella a fait luire sur les déficits italiens, ou pour suivre le sévère et hardi ministre dans les mesures héroïques qu’il avait conçues. Bien que le déficit annuel de l’Italie s’élève à une somme de beaucoup supérieure à 200 millions, il paraît que la situation serait tolérable, si l’on parvenait à créer une augmentation de recette régulière d’une centaine de millions. On subviendrait au reste pendant quelques années au moyen de ressources extraordinaires, telles que des aliénations de domaines et l’appropriation des biens du clergé ; mais il y a un bloc de 100 millions de recettes régulières à trouver, ou, ce qui revient au même, 100 millions à rayer dans les dépenses. M. Sella comptait obtenir ces 100 millions de l’impôt sur la mouture, impôt qui à un financier se présente avec l’avantage d’une perception et d’un produit certains, mais impôt tracassier, impopulaire, odieux en lui-même, il faut le dire, et qu’une nation ne pourrait accepter que par un rare effort d’abnégation patriotique. Le nouveau ministre des finances, M. Scialoja, économiste napolitain connu et fort estimé depuis longtemps, apportera-t-il un autre secret que celui de M. Sella ? Quant à nous, nous n’en voyons qu’un seul, et il est politique avant d’être financier. C’est la dépense qu’il faut diminuer de 100 millions, et c’est au budget de la guerre qu’il faut demander cette économie. Si deux grandes puissances européennes, la France et l’Angleterre, venaient dire à l’Italie : Nous vous garantissons une trêve de dix ans avec l’Autriche ; nous nous engageons à ne pas vous laisser attaquer durant cette période par cette redoutable voisine ; nous vous invitons en conséquence à retrancher 100,000 hommes de votre armée pour que vous puissiez retrouver enfin votre aplomb financier ; certes si une telle offre leur était faite, les hommes d’état italiens devraient l’accepter sur l’heure et commencer un véritable désarmement. Eh bien ! nous nous retournons vers eux et nous leur disons : Qu’avez-vous besoin d’une assurance semblable à celle que nous venons de supposer pour faire vos vraies affaires et prendre une résolution de salut ? La trêve, la paix avec l’Autriche, mais c’est la force des choses, c’est tout le poids des intérêts européens qui vous les imposent ou vous les assurent, à l’Autriche aussi bien qu’à vous. Vous signez à l’instant même un traité de commerce avec le Zollverein, croyez-vous que cette alliance des intérêts ne vaut pas mieux pour vous que l’entretien stérile de bien des milliers d’hommes sous vos dra-