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poursuivre lentement, mais sans se laisser décourager, le système qu’il a inauguré en entrant au ministère des finances. Ce système a pour objet d’éclaircir notre comptabilité financière et de lui tracer des règles telles qu’il devienne de jour en jour plus difficile de se lancer dans les dépenses aventureuses. M. Fould fait aujourd’hui un pas nouveau dans cette voie en supprimant l’ancienne organisation de l’amortissement et en créant un amortissement restreint sans doute, mais dont les ressources seront efficacement appliquées à l’objet de cette institution. L’ancien amortissement ne fonctionnait plus depuis bien des années ; une somme considérable, 127 millions, lui était encore annuellement et nominalement affectée, mais il n’en était pas employé un centime au rachat de la dette. La dotation de l’amortissement était comme une grosse réserve à laquelle les autres services publics allaient puiser, au moyen d’écritures contre-passées, les ressources dont elles avaient besoin pour couvrir leurs crédits extraordinaires et supplémentaires. L’existence de cette réserve était commode pour ceux qui ordonnaient sans trop compter des dépenses pour lesquelles des ressources n’avaient point été prévues d’avance. Cette fiction disparaît de nos budgets. Le budget ordinaire de 1867 est réglé de telle sorte qu’il se solde par un excédant de près de 100 millions, et l’amortissement reçoit une dotation dont une partie, 30 millions au moins, sera employée en achats de rentes. L’excédant du budget ordinaire fournit et limite les ressources et par conséquent les dépenses du budget extraordinaire. Des excédans de cette nature devant se reproduire chaque année, ce sera au gouvernement et à la chambre d’aviser au meilleur emploi qu’il y aura à en faire, ou continuer les travaux publics, ou réduire certains impôts et essayer sur la taxation des expériences financières, comme font les Anglais. La distribution des ressources étant ainsi établie d’une manière permanente, il ne reste pour les dépenses que l’on engageait si facilement autrefois au moyen des crédits supplémentaires que les fonds relativement bornés qui pourraient être rendus disponibles par des viremens ou des annulations de crédit. Si désormais dans l’intervalle d’une session à l’autre le pouvoir exécutif voulait engager une dépense considérable non prévue au budget rectificatif de l’exercice, il serait forcé de convoquer extraordinairement le corps législatif. Cette nécessité d(en appeler aux chambres peut devenir un frein très efficace dans notre mécanisme gouvernemental. Ce qui nous frappe et nous intéresse surtout dans les arrangemens de M. Fould, ce sont ces limitations pratiques apportées peu à peu à l’initiative des dépenses, et que l’empereur a le mérite incontestable de s’imposer en quelque sorte à lui-même.

Nous ne nous dissimulons point au surplus que toutes les précautions de comptabilité sont peu de chose en matière de finances publiques auprès de l’influence des institutions générales qui régissent un pays. En temps régulier, c’est à l’efficacité du contrôle parlementaire et au degré d’homo-