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Mexique, d’y laisser une combinaison de pouvoirs qui permît d’espérer la pacification intérieure du pays. Une telle combinaison ne pourrait présenter des garanties d’efficacité que si elle était patronnée à la fois par la France et la république américaine cordialement unies. C’est à cette union qu’il faudrait travailler sans délai, sans se laisser amuser par des espérances illusoires. Le temps en effet est contre nous et non pour nous dans cette affaire. Avec le temps s’accroissent nos sacrifices et peuvent se développer chez le peuple américain des courans d’opinion dangereux. Se figure-t-on qu’on peut se laisser conduire par un système de temporisation jusqu’aux approches des élections qui auront lieu dans trois ans ? L’agitation électorale commence longtemps avant le vote aux États-Unis : supportera-t-on l’idée qu’on n’ait point enlevé avant cette époque aux candidats à la présidence le triste prétexte qui pourrait leur permettre de poser leur plate-forme sur la question du Mexique ?

En tout cas, il est une chose dont nous n’aurons point à nous repentir ; il est aussi une chose que nous demanderons avec confiance au gouvernement. Nous ne nous repentirons jamais, pour ce qui nous concerne, d’avoir poussé trop loin les scrupules de la prévoyance et les conseils de la prudence. Quant au gouvernement, nous l’adjurons de faire autant que possible la lumière sur la question mexicaine. Qu’il ne retienne point d’une main avare les documens officiels, qu’il les communique au contraire à la chambre avec abondance ; que nos députés soient mis en état de calculer complètement le prix de revient de l’entreprise mexicaine depuis l’origine jusqu’à l’époque actuelle ; qu’on leur fasse connaître dans leur exacte étendue les ressources en hommes, en argent, en crédits, qui sont nécessaires au maintien de l’empire de Maximilien, et au défaut desquelles il ne pourrait plus longtemps subsister. Il serait, ce nous semble aussi, d’une politique sensée et honorable de devancer la publication des correspondances diplomatiques dont la communication a été promise au congrès américain par le président Johnson. À quelque parti qu’on s’arrête, il faut savoir ce que l’on fait. Le pays a le droit de demander qu’on lui mette en main toutes les pièces, afin qu’il puisse se prononcer en connaissance de cause.

Nous sommes contraints, bien malgré nous, à dire un mot des incidens universitaires qui ont été depuis quelques jours et qui n’ont peut-être pas cessé d’être une cause de préoccupation et d’anxiété publique. Les écoles se sont émues des rigueurs dont le conseil académique a frappé quelques étudians à qui l’on reproche d’avoir tenu hors de France, en Belgique, au congrès de Liège, des propos irréligieux et une conduite séditieuse. L’émotion des écoles est devenue une cause d’inquiétude pour l’ordre public. Dans cette situation et avec la législation qui nous régit, il est fort embarrassant d’exprimer une opinion sur les faits qui ont agité notre jeunesse des écoles : on n’aimerait pas à courir le risque de paraître favoriser des doctrines ou des actes semblables à ceux qui sont imputés aux élèves frap-