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treprise ne réussit pas, si le Mexique devient mauvais débiteur, il est impossible que nous n’obtenions point de notre gouvernement une indemnité raisonnable. Et quelle est la chambre qui ne sera pas trop heureuse de liquider l’affaire mexicaine en augmentant de quelques millions au profit des porteurs de bons de Maximilien le service de la dette publique le jour où le gouvernement lui annoncera cette bonne nouvelle, cette nouvelle qui fera pousser à la France un si allègre soupir de satisfaction, à savoir que l’on renonce à l’expérience mexicaine, et que nos bons soldats vont être rappelés au pays natal ?

On le voit, il n’est pas possible que la France, prenant le parti de regarder en face l’état présent et l’avenir probable des affaires mexicaines, veuille de gaîté de cœur, jouet volontaire du hasard, continuer plus longtemps une pareille extravagance, pour employer un mot dont nous reconnaissons la dureté impolie dans le sens français, mais que nous employons ici avec la signification anglaise, qui qualifie ainsi la prodigalité aveugle qui ne veut ou ne sait point compter. En parlant ainsi, nous ne cédons nullement à une pensée d’opposition : nous obéissons au sentiment du patriotisme le plus désintéressé. Nous sentons que le temps des hésitations, des vagues critiques provoquant de vagues assurances, est passé. Pour employer une expression grossière, l’intérêt le plus élevé, le plus pressant de la France veut que quelqu’un mette enfin les pieds dans le plat. Il s’agit de reconnaître virilement une faute et de la réparer avec une promptitude sensée. Faute avouée est à demi pardonnée ; si notre vœu se réalisait, bien loin d’y voir pour l’opposition un sujet d’égoïste triomphe, nous conseillerions plutôt à l’opinion libérale de seconder et d’accueillir par une patriotique indulgence le courage sensé que montrerait le gouvernement en abandonnant la chimère mexicaine. Nous sommes convaincus que les plus dévoués serviteurs de l’empereur n’ont point sur cette affaire une opinion différente de la nôtre ; si nous osions aller plus haut et plus loin dans nos hypothèses, nous confesserions qu’il nous est impossible de croire que l’empereur lui-même conserve encore les illusions de 1861 et de 1862. Le chef de l’état ne nous a-t-il point laissé voir ses sentimens intimes sur les lointaines, longues et coûteuses colonisations militaires dans sa brochure sur l’Algérie ? Quel utile pendant à cette étude pourrait nous donner l’empereur, s’il lui convenait d’écrire une brochure sur le Mexique ! Peut-être l’opinion publique n’a-t-elle point prêté une attention suffisante à la dissertation algérienne ; mais on pourrait promettre un beau succès à un écrit impérial qui signalerait avec une précision souveraine les difficultés ou, pour mieux dire, les impossibilités radicales de l’entreprise du Mexique, démontrées déjà par une expérience suffisante.

Nous ne saurions trop insister sur ce que nous avons dit en commençant : nous parlons de la cessation de l’intervention militaire de la France