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réformateurs des tarifs en parant leurs chimères d’un faux appareil de science économique. Il n’y a là qu’un simple calcul industriel dont les compagnies, en France comme en Angleterre, ont dû respecter les lois rigoureuses. Autrement, comment verrait-on les chemins de fer anglais maintenir leurs tarifs, plus élevés que les nôtres ? Ils se seraient donc, eux aussi, grossièrement trompés, et bien plus que nous ! Cette supposition ne saurait être admise par aucun esprit sensé. Les compagnies anglaises font payer plus cher le transport parce qu’elles donnent plus de vitesse, et elles n’ont jamais pensé qu’une baisse radicale de tarifs pût avoir la vertu d’augmenter leurs produits nets par l’extension illimitée du trafic des voyageurs.

Est-ce à dire qu’il n’y ait rien à faire ? Non certes. Nous ne combattons ici que les impatiences irréfléchies et les illusions vaines : nous cherchons à démontrer l’étrange erreur dans laquelle on tombe lorsque l’on exige des chemins de fer, tant en France qu’ailleurs, des conditions de vitesse et de tarif qui rendraient le prix de transport inférieur au prix de revient ; mais, après avoir signalé des exagérations qui sont dangereuses parce qu’elles frappent tout à la fois une grande industrie et un grand service public, nous pouvons admettre que, pour la vitesse comme pour le prix des places, les compagnies de chemins de fer doivent réaliser de nouveaux progrès. Le passé est garant de l’avenir. Relativement à la vitesse, il est incontestable que l’exploitation des grandes lignes est aujourd’hui mieux organisée qu’elle ne l’était il y a dix ans, et l’enquête de 1862 a été suivie de diverses mesures de détail qui ont profité particulièrement au mouvement des trains-omnibus et au service des trains de correspondance. Quant au tarif, s’il est vrai qu’il n’a point encore été abaissé pour les mouvemens du service ordinaire, on ne saurait méconnaître l’influence que l’organisation d’un plus grand nombre de trains à prix réduit, même pour de longues distances, a exercée sur l’économie générale des transports. Il suffit de rappeler qu’en 1864 le prix moyen par voyageur kilométrique, avec l’addition de l’impôt du dixième perçu au profit du trésor, n’a point dépassé 5 centimes 1/2. Les compagnies se sont ingéniées à multiplier les trains d’excursions, les billets d’aller et de retour, les billets circulaires, etc. ; elles connaissent mieux chaque jour les besoins et les goûts des populations qu’elles desservent ; nous les voyons porter leurs combinaisons jusque sur les territoires étrangers, où elles propagent la facilité des voyages. Elles prouvent donc par leur initiative qu’elles se sentent intéressées à poursuivre ce système de dégrèvement, qui leur deviendra plus aisé et plus profitable à mesure que la science perfectionnera les instrumens de la traction. C’est ainsi que procèdent les améliorations sérieuses ; on