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devant les dépenses qu’exigeait le développement de l’instruction. Tandis qu’en 1850 on ne consacrait à l’enseignement primaire que 102,619 livres sterling, on donnait pour le même objet 194,420 livres sterling en 1856. En moins de six ans, la somme était doublée. Le sacrifice s’élevait presque au niveau de ceux que s’imposent les États-Unis. Pour une population de 953,225 âmes, il était d’environ 5 francs par tête. Comprenant l’importance décisive qui s’attache à former de bons instituteurs, la législature vota 625,000 francs (25,000 livres sterling) pour construire à Toronto une école normale que l’intelligent gouverneur du Canada, lord Elgin, ouvrit solennellement, à la satisfaction générale, le 24 novembre 1852. En 1856, le nombre des instituteurs s’élevait à 2,622 avec un salaire annuel variant de 1,500 à 8,000 fr., et 1,067 institutrices avec un salaire de 1,250 à 3,000 francs. Le chiffre des enfans fréquentant les écoles primaires montait en tout à 251,145, dont 113,725 filles, ce qui donne 1 élève par 7 habitans. Depuis 1857, les progrès ont été rapides, surtout la qualité de l’enseignement s’est notablement améliorée sous l’impulsion et par les bons exemples des instituteurs sortis de l’école normale de Toronto.

Comme complément de l’école primaire, on a établi à peu près partout des bibliothèques populaires dans le genre de celles des États-Unis. Il ne suffit pas en effet d’apprendre à lire aux enfans, il faut encore leur inspirer le goût de la lecture et mettre à leur portée des livres attrayans et instructifs. C’est ce que l’on a commencé à comprendre depuis quelque temps en France et en Belgique, où de différens côtés on a fait les plus louables efforts pour doter les communes de ces utiles institutions. Dans le Haut-Canada, pays d’origine anglo-saxonne, où par suite on ne fait guère appel à l’intervention de l’état, on n’a pas craint d’y avoir recours pour favoriser la création des bibliothèques populaires, tant on est convaincu de leur utilité. Il est intéressant de voir comment le pouvoir central et les administrations locales ont combiné leur concours, parce qu’on pourrait peut-être trouver ici un exemple utile à suivre. Un fonds spécial a été constitué, le public library fund, et les communes votent aussi une taxe pour l’acquisition de livres. Le conseil supérieur de l’instruction publique a publié un catalogue de plus de 6,000 ouvrages qu’il peut se procurer à prix réduit, parce qu’il en prend un grand nombre. Le comité d’école ou le conseil communal envoie la liste des livres qu’il désire acquérir en y ajoutant le prix, et il reçoit, outre les ouvrages demandés, d’autres volumes pour une valeur égale. L’état intervient ainsi pour moitié dans la création de l’institution, et le conseil supérieur, plus éclairé que les autorités locales, peut l’enrichir de livres que celles-ci