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marée, sont aussi rapides qu’en Angleterre, la vitesse moyenne ne dépasse guère 50 kilomètres, et pour les trains ordinaires elle varié de 30 à 45 kilomètres. La différence quant à la vitesse des transports de voyageurs serait donc, on le voit, assez sensible ; mais la vitesse n’est pas le seul élément à comparer quand il s’agit d’opérations de transport. Il faut en même temps consulter les tarifs. Or le prix moyen du transport des voyageurs, en Angleterre, ressort à 9 centimes par kilomètre, tandis qu’en France il est descendu à 5 centimes 1/2. Les tarifs, qui en France s’appliquent indistinctement à tous les degrés de vitesse, sont augmentés en Angleterre pour les trains de malles, et même pour les express ordinaires. Ainsi, au point de vue de l’économie, l’avantage est acquis, dans une proportion très forte, au voyageur français.

Vitesse plus grande en Angleterre, tarifs plus bas en France, voilà les traits saillans des deux exploitations. Et cette différence ne saurait être attribuée à la volonté arbitraire des compagnies ; elle résulte de la dissemblance des conditions qui s’imposent au trafic et du contraste que présentent, là comme ailleurs, le caractère et les habitudes des deux peuples. Les compagnies anglaises ont reconnu que le premier besoin des populations qu’elles avaient à desservir était la rapidité du transport ; elles ont jugé qu’elles trouveraient dans ces populations denses, riches, habituées déjà aux déplacemens coûteux, une clientèle disposée à payer le prix de la vitesse ; elles se voyaient en outre, sur plusieurs lignes, en concurrence avec la navigation à vapeur du littoral, qu’elles ne pouvaient combattre que par la fréquence et la promptitude des trajets. Elles ont donc recherché premièrement la célérité de marche. Au contraire, les chemins de fer français, qui pénétraient au milieu de populations moins denses, moins riches, voyageant peu et ne voyageant qu’à courtes distances, avaient à procurer tout d’abord l’économie du transport. En Angleterre, malgré l’élévation du tarif, les voyageurs de première et de seconde classe figurent pour près de moitié dans l’ensemble, tandis qu’en France, malgré la modération relative du prix et malgré une différence très sensible de vitesse entre les trains express et les trains ordinaires, les voyageurs de première et seconde classe ne représentent que le quart. Cette comparaison montre bien quels sont de part et d’autre les besoins à satisfaire. Ajoutons que les compagnies anglaises, desservant des parcours peu étendus, complètement libres pour leur gestion, obtenant à bas prix une houille de qualité supérieure, peuvent réaliser la condition de vitesse plus facilement que les compagnies françaises. Sans insister sur ces dernières considérations, qui ont cependant leur importance, il nous suffit de répéter que, dans