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adopté. Nous devons maintenant, après avoir tracé l’historique et le caractère des concessions, aborder l’étude et apprécier les résultats de l’exploitation des chemins de fer.


II

Les chemins de fer français ont transporté, en 1864, 75 millions de voyageurs et 50 millions de tonnes de marchandises[1]. Le tarif kilométrique, qui est en moyenne de 5 centimes 1/2 par voyageur, de 6 centimes 1/4 par tonne de marchandise, réalise une réduction de moitié, souvent même des deux tiers, sur l’ancien tarif des transports par terre. La concurrence des chemins de fer a entraîné une baisse très sensible des tarifs antérieurement appliqués sur les routes, sur les fleuves et canaux, et pour le cabotage. Il faut remarquer de plus que les transports sur les routes ordinaires sont demeurés aussi actifs qu’ils l’étaient avant l’établissement des voies ferrées et que les transports par les voies navigables ont augmenté. On a essayé de chiffrer l’économie que les chemins de fer ont procurée, directement ou indirectement, pour le transport des voyageurs et des marchandises. Les évaluations les plus autorisées atteignent dès à présent 800 millions, c’est-à-dire que, si les chemins de fer n’avaient pas existé, les transports effectués en 1864 auraient coûté 800 millions de plus. L’économie, qui s’accroît d’année en année, serait déjà énorme et représenterait un intérêt très élevé du capital de 6 milliards 1/2, consacré jusqu’ici à la construction des chemins de fer ; mais là ne se borne pas le bénéfice. Sans les voies ferrées, ces immenses opérations de transport eussent été impossibles, et nous n’aurions pas vu l’essor prodigieux qu’ont pris toutes les branches de travail. En augmentant la circulation, en la créant sur certains points, les chemins de fer ont développé au plus haut degré l’industrie elle-même, en même temps qu’ils ont pourvu, dans la plus large mesure, aux besoins de la consommation.

Personne, au surplus, ne conteste ces avantages. La supériorité des chemins de fer est tellement manifeste que chacun veut avoir à sa portée ces merveilleux instrumens de la circulation ; mais, précisément à raison de l’importance extrême que l’on attache aux chemins de fer, on se demande si le régime actuel de l’exploitation est le plus favorable pour l’intérêt public, si l’administration des compagnies concessionnaires est intelligente et habile, si le contrôle de l’état se montre utile et efficace, — en un mot si le pays retire des

  1. Le parcours moyen d’un voyageur est de 40 kilomètres, et celui d’une tonne de marchandises de 140 kilomètres environ, de telle sorte que le nombre de voyageurs kilométriques (c’est-à-dire transportés à un kilomètre) a été en 1864 de 3 milliards, et celui des tonnes kilométriques, de 4 milliard ».