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réaliser le plan d’ensemble qui établit une communication non interrompue entre les différentes régions du pays, et consacre pour ainsi dire l’égalité en matière de chemins de fer. Cette dernière considération justifie l’intervention de l’état dans l’accomplissement d’une œuvre qui exigeait tout à la fois une grande célérité et l’équitable répartition des moyens de transport.

Il nous reste à déterminer le caractère des concessions exploitées par les compagnies de chemins de fer. Nous entendons dire chaque jour que ces entreprises sont en possession d’un monopole dont elles usent et abusent à leur gré, que le public leur a été sacrifié, taillable et corvéable à merci, — que sous le régime actuel toute amélioration, tout progrès est entravé dans cette grande industrie des transports qui exerce une influence si décisive sur la prospérité générale. Ce sont là des exagérations évidentes que n’acceptent point les esprits sérieux ; mais telle est la puissance des mots, que cette expression de monopole, appliquée aux entreprises de chemins de fer, suffit pour égarer la discussion. Quel était le point de départ ? Il fallait créer des voies ferrées, les créer vite et en grand nombre, et dès lors il était indispensable d’offrir aux capitaux des conditions qui pussent les attirer vers ce nouvel emploi. Les capitaux seraient-ils venus, si l’état ne leur avait garanti la sécurité qu’ils exigeaient ? Pour critiquer avec quelque autorité le système qui a été suivi, on aurait à prouver que les conditions accordées au capital étaient ou inutiles ou excessives, et l’on devrait surtout indiquer par quel autre mode on serait parvenu à doter la France du réseau qu’elle possède aujourd’hui. Cette démonstration n’a point été faite, et elle se trouverait réfutée par l’attitude même du capital, qui, malgré les avantages qui lui ont été attribués pour l’exécution des chemins de fer, a manifesté des défiances et des défaillances que l’on a dû rassurer et relever presque à chaque étape au moyen de garanties nouvelles. Ce n’est point arbitrairement, c’est en vertu de la loi économique de l’offre et de la demande que l’état s’est vu amené à stipuler des conditions qui étaient commandées aussi bien par l’intérêt et l’urgence de l’entreprise que par le tempérament du capital et la situation du marché financier. Ainsi, quand même on aurait été réduit à consacrer par la loi le régime déplaisant qui s’appelle le monopole, on serait mal venu à s’en indigner alors que l’on profite si largement des travaux accomplis sous ce régime ; mais s’agit-il ici d’un monopole ? L’état demeure nu-propriétaire des voies ferrées, dont les concessionnaires n’ont que l’usufruit pendant une période déterminée ; il s’est réservé la faculté de racheter les concessions ; il n’a pris aucun engagement qui l’empêche de laisser construire d’autres voies ferrées en concurrence avec celles qui existent ; il a édicté un