Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/1067

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travail oublié de M. Adams, chargea M. Challis de rechercher la planète d’après ces données ; peu de jours après (4 août), M. Challis, tenant la planète au bout de son télescope, la marquait sur sa carte comme une étoile fixe ; il ne se doutait pas quelle découverte lui glissait des mains. Le 29 septembre, il la revoyait encore et constatait qu’elle avait un disque appréciable (comme toutes les grandes planètes), mais il ne se croyait pas si près de la découverte ; il ignorait surtout que cette découverte était faite et la planète reconnue et constatée depuis une semaine (23 septembre) par M. Galle de l’observatoire de Berlin, sur les indications de M. Le Verrier, reçues le matin même à Berlin.

On sait quel enthousiasme, et aussi, c’est le propre du succès, quelles controverses souleva cette magnifique consécration du calcul par les faits. La question est aujourd’hui jugée, et l’année 1846 a comblé une lacune du système solaire que les astronomes avaient devinée depuis plus de vingt ans. Existe-t-il encore d’autres planètes au-delà de Neptune ? Rien ne s’y oppose, mais rien non plus ne nous force à les rechercher. Neptune suffit pour expliquer Uranus.

Cette brillante découverte a trouvé son pendant, il y a trois ans, dans la découverte du compagnon de Sirius. L’examen du mouvement propre de cette étoile avait fait reconnaître à Bessel des oscillations périodiques qui ne s’expliquaient d’une manière satisfaisante qu’en admettant que Sirius était soumis à l’influence d’un corps considérable auquel il devait être enchaîné par la loi de la gravitation. L’hypothèse de Bessel rencontra quelque opposition ; mais en 1851 elle fut reprise par M. Péters, qui démontra qu’elle rendait un compte parfait de toutes les circonstances du phénomène, et détermina les orbites de Sirius et de son invisible compagnon, auxquels il assigna un temps de révolution de cinquante ans. Le satellite de Sirius fut cherché longtemps en vain par les astronomes qui disposent d’instrumens puissans. On avait fini par le croire privé de lumière, lorsqu’il fut découvert en Amérique, par M. Alvan Clark, au mois de janvier 1862. Depuis cette époque, il a été observé à Paris et ailleurs à plusieurs reprises. M. Goldschmidt assure même qu’il a entrevu plusieurs satellites de Sirius au lieu d’un seul. Aujourd’hui on cherche le satellite d’une autre étoile fixe, appelée Procyon.

Ces découvertes d’étoiles inconnues, que l’on fait sortir de toutes pièces d’une formule, ont fini par si bien passer dans les habitudes des astronomes qu’il en est déjà résulté des méprises assez plaisantes, comme celle de M. Klinkerfues, qui avait bâti sur une erreur d’impression tout un roman de satellites obscurs et de compagnons perturbateurs d’une petite étoile fort innocente. M. Le Verrier lui-même a voulu renouveler son triomphe de 1846. Cette fois ce n’est plus sur les frontières de notre système, c’est à proximité même du soleil qu’il a constaté la sourde influence d’un corps troublant.

Dans une lettre adressée à M. Faye, au mois de septembre 1859, il