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genre ; mais pourquoi s’en charger gratuitement, comme par nonchalance et laisser-aller, lorsqu’après tout on n’en avait nul besoin, et qu’on pouvait arriver aux mêmes fins en suivant la marche la plus régulière ? Ce serait un triste goût et une regrettable habitude de préférer l’apparence de l’arbitraire à la correction réelle, lorsque les deux voies peuvent conduire au même résultat. A quoi bon afficher des trocs trop visibles entre un siège au sénat et un siège au corps législatif ? Pourquoi passer si lestement sur la question constitutionnelle du droit de démission des sénateurs ? pourquoi rendre si mobile une fonction déclarée inamovible ? Pourquoi ne pas laisser à la démission d’un député le temps d’arriver au corps seul qui en peut consacrer la validité, c’est-à-dire à la chambre même ? On a beaucoup recommandé les vertus de la constitution actuelle au nom du principe de la division des pouvoirs ; pourquoi alors ne pas respecter les attributions hiérarchiques du corps législatif dans sa sphère naturelle et légitime, et vouloir que la démission d’un député, au lieu d’être soumise à l’acceptation de la chambre, puisse être adressée dans l’intervalle de la session à un agent du pouvoir exécutif ? Ce sont ces anomalies, ces inconséquences, ces négligences insouciantes que les orateurs libéraux ont fait ressortir avec une modération et une dignité de ton qui ont donné grand crédit à leurs paroles auprès du public.

L’opposition abordera les discussions de l’adresse avec un esprit d’union qui sera pour le pays d’un exemple salutaire. L’union est une garantie de modération et de loyauté. C’est parce que l’esprit d’union est nécessaire au bon gouvernement d’un peuple libre que parmi les institutions et les libertés les plus efficaces sont celles qui rapprochent les citoyens les uns des autres, les invitent à traiter en commun les affaires publiques et les conduisent naturellement aux transactions nécessaires. Personne ne s’avisera de voir en nous des adversaires de la presse ; nous n’hésiterons point cependant à confesser que les journaux servent moins à la conciliation des idées, à la concentration des efforts sur les points utiles, à l’unité des conduites, que le rapprochement des citoyens dans les associations et surtout que la réunion et le contact des représentans des opinions dans les assemblées délibérantes. Sous le régime actuel de la presse, l’action des journaux est plus exposée encore à se diviser et à s’éparpiller ; la difficulté qu’ils éprouvent à s’occuper des questions vraiment principales du présent les porte à se reléguer dans les théories exclusives de leurs opinions, à s’obstiner dans les querelles du passé, à vivre de vieilles thèses historiques où se perpétuent des malentendus, des passions, des haines, qui n’ont plus de prétexte et ne devraient plus avoir de sens à notre époque. Et que les autoritaires ne se réjouissent point de ces divagations auxquelles la privation de la liberté condamne les journaux ! Les intérêts conservateurs n’ont rien à y gagner, à moins qu’on ne se figure qu’il est préférable que les journaux s’attaquent aux dogmes essentiels du christianisme plutôt que