flottât encore le drapeau national, défendu jusqu’au bout par un homme dévoué à la fortune du prieur de Crato. C’est alors que la conquête commence à se révéler dans sa vraie nature, avec ses duretés, ses représailles et ses humiliantes servitudes. Tant que Philippe II n’était encore qu’un prétendant désireux de se faire accepter, il prodiguait les promesses, il dorait la chaîne ; après la victoire de la force, la main du maître étranger, du maître absolu et jaloux, s’appesantit sur le pays. La politique espagnole, à l’époque de ses excès de prépondérance, a été la grande promotrice de toutes ces tactiques à l’usage des dominateurs, et si notablement perfectionnées depuis : donner des amnisties qui ne protègent personne, faire sanctionner l’abdication d’un pays par des assemblées captées ou terrifiées, user une indépendance par la ruse ou par la force, par les faveurs corruptrices et les répressions sans pitié, transformer le sentiment de nationalité en sédition, la compression en défense de l’ordre, se servir des pusillanimités pour s’imposer, des divisions des classes pour régner. La politique espagnole, en Portugal comme dans les Pays-Bas, n’avait qu’une pensée, l’assimilation complète du royaume. Elle avait été trop rudement éprouvée dans les Pays-Bas pour ne pas se cacher un peu en Portugal : au fond, la pensée était la même. Les concessions faites par Philippe II à un reste d’autonomie n’étaient qu’apparentes ; les amnisties n’étaient qu’un piège ou une parade. Amnisties et concessions dépendaient de l’interprétation discrétionnaire des nouveaux maîtres. La vérité, c’était la répression.
La première victime poursuivie, recherchée par la politique espagnole fut naturellement le prétendant, dont Philippe II mit en somme la tête à prix. Philippe promettait toute sorte d’avantages et de privilèges à ceux qui le livreraient ou aideraient à le saisir, et il absolvait d’avance ceux qui le tueraient en cherchant à le prendre. Après le prétendant fugitif, c’étaient les amis, les partisans de sa cause, les compagnons de sa mauvaise fortune. Après les amis et les compagnons de dom Antonio, c’étaient les amis, les parens de ses compagnons, et de proche en proche c’étaient tous ceux sur qui pouvait s’étendre un soupçon d’hostilité contre l’Espagne. La mère du comte Vimioso, avec sept de ses filles, fut envoyée en Castille et enfermée dans la tour de Torquado. La fidélité de Diogo Botelho à la cause nationale et au prétendant attira sur sa famille toutes les persécutions : sa femme et ses filles furent exilées, son fils fut jeté pour de longues années en prison, trois de ses sœurs qui étaient religieuses se virent brutalement arrachées à leur couvent et traînées par des soldats en Espagne. La veuve de Diego Meneses fut bannie et dépouillée de ses biens. Phebus Moniz, le député