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la crainte de voir les réfugiés français coupables de crimes politiques et résidant en Angleterre se faire fictivement poursuivre et réclamer par leurs amis de France pour des délits communs, afin qu’une fois en France ils fussent couverts par la convention et à l’abri de toute recherche pour le passé. Cet article 7 était donc aux yeux du gouvernement français le germe d’une trop grande liberté (too unrestrained a liberty). Cependant le gouvernement français se résignait à cet inconvénient par égard pour les scrupules de l’Angleterre. Ce singulier compte-rendu de cette partie des négociations frappa vivement l’esprit de la chambre, à laquelle lord Brougham avait déjà fait remarquer que cet article 7 serait légalement sans effet en France aussi longtemps qu’une loi française ne l’aurait pas sanctionné, car il était impossible d’empêcher une poursuite ou une condamnation devant les tribunaux français en vertu d’un article de traité qui ne serait pas d’abord inscrit dans la législation. Il convenait donc d’attendre que le gouvernement français eût fait passer une loi conforme aux stipulations de l’article 7, et l’on pourrait reprendre alors l’examen du traité.

La délibération fut ajournée, et dès le 11 juin[1] lord Malmesbury reparut devant la chambre les mains pleines de promesses. Si la chambre tenait à modifier la convention, ces modifications, disait-il, pouvaient être faites en vingt-quatre heures, tant la bonne volonté du gouvernement français était grande. On joindrait, s’il le fallait, certains documens au mandat d’arrêt ; on irait jusqu’à la production d’un arrêt de mise en accusation, si c’était nécessaire. La chambre ignorait peut-être ce que c’est qu’un juge d’instruction en France. C’est un magistrat en possession d’une pleine indépendance et nullement intéressé à être agréable au pouvoir. Quant à l’article 7, le gouvernement français s’engageait à faire passer une loi pour en assurer l’exécution, et lord Malmesbury ajoutait, à l’adresse de l’opposition, qu’il ne voyait pas qu’il y eût là de quoi rire. Le débat qui suivit cette harangue fut fort court et ne s’écarta guère du terrain de la discussion précédente. On s’était séparé sans rien conclure lorsque le 14 juin tout changea brusquement de face.

Ce jour-là[2], lord Brougham prit le premier la parole et exhorta avec une extrême vivacité le comte de Malmesbury à se désister de ses efforts pour faire accepter au parlement la convention nouvelle. La loi française, dit-il, vient de subir un changement complet en ce qui touche précisément le sujet soumis aux délibérations de la chambre des lords. « En effet, répondit lord Malmesbury, je crois qu’il serait extrêmement dangereux pour le gouvernement de sa majesté d’insister en ce moment auprès de la chambre pour

  1. Hansart, tome CXXII, p. 498.
  2. Id., ibid, p. 561.