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gouvernement français de réformer la convention de 1843 dans le sens de ses opinions et de ses vœux.

Il vint un jour où le gouvernement français crut avoir touché le but : c’est lorsqu’il eut conclu avec le comte de Malmesbury la convention de 1852. Cette convention, signée le 28 mai, ratifiée le 2 juin, et destinée à remplacer la convention de 1843, établissait autant que possible sur le sol anglais le système français d’extradition, et obligeait le magistrat anglais à ordonner cette mesure sur la simple production d’un mandat d’arrêt ou d’un arrêt de condamnation venu de France, sans qu’il eût désormais d’autre rôle à remplir que de vérifier les pièces et de constater l’identité du Français réclamé (article 4). L’article 2 de la convention énumérait les crimes auxquels elle devait être applicable, et tandis que la convention de 1843 concernait seulement les crimes de meurtre, de faux ou de banqueroute frauduleuse, la nouvelle nomenclature portait à une vingtaine les cas d’extradition. Enfin l’article 7, spécialement destiné à prévenir les défiances du parlement et de l’opinion en Angleterre, stipulait que nul prévenu ou condamné livré à la France en vertu de cette convention ne pourrait être poursuivi dans son pays pour aucun délit politique antérieur à son extradition, et qu’en cas de poursuite de cette nature la preuve que l’accusé aurait été extradé en vertu de la présente convention suffirait pour entraîner de droit son acquittement. Cette précaution n’empêcha point, on le sait, la convention de 1852 d’échouer devant l’opposition du parlement, et l’histoire de cet échec mérite d’être rappelée avec quelque détail, non-seulement parce qu’elle est curieuse en elle-même, mais parce qu’elle peut nous servir à mesurer les difficultés que doit rencontrer aujourd’hui toute tentative du même genre.

C’est dans la séance de la chambre des lords du 8 juin 1852[1] que le comte de Malmesbury soumit la convention nouvelle à l’approbation de cette haute assemblée. Il exposa les plaintes du gouvernement français sur les difficultés d’exécution de la convention de 1843, démontra la nécessité de faire quelque sacrifice aux réclamations d’une puissance amie, et insista sur les garanties que l’article 7 avait ménagées aux délits politiques, garanties qui devaient suffire à rassurer la chambre contre l’abus possible de la convention. Ainsi qu’on pouvait le prévoir, nombre de lords s’élevèrent aussitôt contre la nouveauté du principe introduit dans la loi anglaise par l’effet de la convention ; ni lord Aberdeen, ni lord Brougham, ni lord Campbell, ni lord Cranworth, ni lord Grey ne pouvaient admettre qu’il suffit désormais d’un mandat d’arrêt suivi

  1. Hansart, tome CXXH, p. 191.