Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/1005

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corde s’abaissa lentement et fit tressaillir le cou de Pepita. La menace avait réussi : elle fit des aveux complets.

On partit de Croy. L’alcade, craignant ses concitoyens, voulut nous suivre ; Pepita, gardée par deux contre-guérillas, marchait en tête comme une fière amazone. Pas un coup de feu ne partit de la forêt, et un des guérillas, tombé plus tard entre nos mains, avoua que la bande de Croy, à la vue de la favorite du chef Abalos devenue notre prisonnière, s’était blottie dans le lit d’une barranca sans oser nous attaquer. Le lendemain, sur tout notre parcours nous entendîmes les mugissemens des taureaux sauvages ; mais nous savions qu’Ingenio Abalos avait le talent d’imiter parfaitement les mugissemens de ces animaux ; il comptait ainsi nous inspirer de la confiance, puisque d’ordinaire les bandes de bétail s’enfuient à la vue de l’homme. A une heure convenue, les deux escadrons se rejoignirent au précipice de la Puerta, et attendirent vingt-quatre heures au rancho voisin les notables de Sotto-Marina, qui nous avaient avertis de leur départ. Toutes les chambres du rancho étaient semées de poudre ; l’ennemi venait de les évacuer. Le soir, La Serna, suivi d’un nombreux cortège, nous donnait la main.

Le 15 novembre 1864 au matin, les coups de canon prescrits par le cérémonial faisaient retentir la grande place de Vittoria. La junta entrait en séance dans la salle de l’ayuntamiento. L’assistance était nombreuse ; La Serna fut acclamé président. Tampico, comme ville importante, accepte mal la suprématie de Vittoria, sa capitale en décadence. Aussi son préfet politique, Apollinar Marquez, déjà hostile à l’intervention française[1], refusa-t-il de déférer à l’invitation qu’il avait reçue et usa-t-il de mille stratagèmes, sans réussir entièrement, pour arrêter le départ des notables du district du sud. D’un autre côté, deux des villes les plus éloignées du Tamaulipas dans la direction du nord, Hidalgo et Villagran, menacées qu’elles étaient par San-Carlos, n’avaient pu répondre à l’appel du gouvernement. Cela était d’autant plus regrettable que dans leur rayon est englobée la zone la plus riche de l’état de Tamaulipas.

Pendant que la contre-guérilla battait la campagne pour ouvrir les chemins aux Indiens amenant leurs produits à Vittoria et défendre la ville contre les incursions de plus en plus hardies des guérillas, une nouvelle colonne expéditionnaire, composée de cavaliers et de fantassins, fut chargée d’aller chercher les notables à Hidalgo et à Villagran, sur la demande de La Serna, désireux de rallier tous les centres de la province en un seul faisceau et d’or

  1. Après la junta, ce fut La Serna qui le remplaça dans ses fonctions de préfet politique. Carbajal fit raser les troupeaux de La Serna, et mit à prix pour 100,000 piastres la tête de son cousin.