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détachement avait été mis aussitôt en marche sur Vittoria. Malgré ces mesures, le chemin fut semé de morts. Pour redonner du courage aux survivans frappés de terreur à la vue de ce mal aussi étrange que rapide, la contre-guérilla leur expédia en toute hâte des secours et des médicamens. Là où leurs aînés avaient passé au milieu de chaleurs caniculaires avec des pertes minimes, les nouveau-venus s’affaissaient presque foudroyés, et il n’en arriva que 117 à Vittoria. L’insurrection en même temps faisait des progrès. Les villes de Croy, de Padilla, s’étaient soulevées à la voix d’un ancien commandant de Cortina, Ingenio Abalos. Ce nouveau rebelle avait déjà coupé les communications de Sotto-Marina et de Tancasnequi, tandis que Mendez interceptait celles de Monterey et de San-Fernando. Le but évident de cette levée de boucliers était d’empêcher tous les notables de la province d’arriver à la junta de Vittoria. Pour réussir, Garbajal, par l’organe de Mendez, n’avait pas craint de prêcher cette fois la guerre sociale, devant laquelle il avait reculé jusqu’au moment où il avait compris que l’ouverture de la junta allait consacrer l’union des grands propriétaires, désireux de resserrer leurs liens, et que l’insurrection perdait ses meilleures chances d’avenir. Ses espérances furent dépassées. Ce que le gouvernement eût dû tenter avec sagesse et promptitude, l’émancipation des Indiens, ses ennemis l’entreprenaient, mais sans imposer aucun frein aux convoitises et aux haines déchaînées. Tous les Indiens, qui formaient le seul élément sérieux de reconstitution mexicaine, se levèrent en masse contre leurs hacenderos en réclamant le partage des terres. Tous les petits pueblos prirent les armes, les maisons restèrent désertes, et les bois s’emplissant de rebelles, les canons de fusil bordèrent les haies des sentiers.

Le 8 novembre 1864, un vaquero, venu de Sotto-Marina à franc étrier, entrait à la maison de commandement de Vittoria. Jesus La Serna faisait savoir que ni les notables du district du centre ni lui-même ne pourraient se rendre à la prochaine junta du 15 novembre ; leur tête avait été mise à prix, s’ils bougeaient, et malgré toute leur résolution ils ne pouvaient, disaient les notables, songer à se mettre en route sans force armée au moment où tous les chemins étaient barrés par les bandes de Mendez, grossies à vue d’œil. La défection, même non calculée, de La Serna, qui comptait un puissant parti et qui seul pouvait contre-balancer l’influence de son parent Garbajal, avait une trop grande portée pour que l’autorité française ne voulût pas lui ôter tout prétexte d’abstention ; d’ailleurs l’intérêt du pays exigeait qu’on cherchât à compromettre La Serna de façon qu’il ne pût désormais reculer. Les deux escadrons de la contre-guérilla se remirent en route pour Sotto-Marina, l’un à gauche par