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latéral, ayant pour base le littoral de la Mer-Noire depuis Anapa jusqu’à Soukhoum-Kalé. C’est cet espace, d’environ 3,000 verstes carrées, qui naguère formait le territoire des peuples connus sous la dénomination générale de Tcherkesses ou Circassiens, ou bien d’Adighés, comme ils se désignent eux-mêmes. Depuis leur expulsion, cette région a reçu dans la délimitation administrative de l’empire russe le nom de province du Kouban (Koubanskaïa oblast). Pour la magnificence et la grandeur pittoresque du paysage, cette région ne le cède en rien aux autres parties de l’isthme caucasien ; elle l’emporte sur toutes par la fertilité de ses plaines basses, qui rivalisent avec les meilleures terres de la Russie. La chaîne du Caucase, datas sa direction du nord-ouest au sud-est, coupe en diagonale la Circassie, mais d’une manière très inégale. Le versant méridional, qui fait face à la Mer-Noire, descend brusquement vers le rivage, de manière à ne laisser qu’une étroite lisière entre la montagne et la mer. En certains endroits, ses derniers contre-forts surplombent les flots, par leurs falaises abruptes, mais partout verdoyantes. Le versant opposé, celui du nord, présente un aspect tout différent ; il s’incline par une suite de terrasses qui vont s’abaissant graduellement, pour s’effacer tout à fait dans une vaste plaine encadrée par le Kouban. Cette configuration orographique donne à la nature sur les deux versans un caractère particulier. Les innombrables cours d’eau qui s’échappent des flancs de la montagne affectent des deux côtés un régime tout différent. Des pentes étroites et raides qui sont tournées vers la mer, ils se précipitent à l’état de torrens impétueux qui découpent la côte en une infinité de petites criques, repaires ouverts à la contrebande et à la piraterie. Sur le versant septentrional, le contraste est frappant ; ils se développent par un cours prolongé jusqu’au Kouban, en répandant sur les plaines basses un terrain d’alluvion d’une incomparable richesse de végétation. Ces milliers de rivières et de ruisseaux ont creusé autant de vallées où vivaient naguère les tribus tcherkesses, morcelées en une foule de communautés plus ou moins considérables, et sans lien d’agrégation entre elles. C’est dans ces anfractuosités, et au milieu de vastes et impénétrables forêts qu’étaient cachés leurs aoûls ou villages, réunion de quelques huttes aux murs de boue mêlée de branchages tissés. Sur les hauteurs s’élevaient, éparses ça et là, des habitations rurales ou fermes isolées (khoutory), autour desquelles on pouvait entrevoir quelquefois, dans une trouée du brouillard, le Tcherkesse paissant ses troupeaux, fièrement appuyé sur sa carabine à canon rayé. La position de ces aoûls, rendue presque inaccessible par la nature, était encore fortifiée par une sorte de rempart avancé construit avec des