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conque. Un tel système a pour base le double principe de la liberté et du droit. Il est impossible de ne pas être frappé aussi de la ressemblance qu’il y a, toute proportion gardée, entre l’organisation actuelle de cette partie de l’Arabie et celle de l’Europe occidentale pendant le moyen âge, en tenant compte des différences de races, et en remarquant que dans l’Europe le sentiment de la solidarité et de l’assistance réciproque était bien plus prononcé.

Le cheik des Shammar administre par des parens ou par des délégués les territoires ainsi annexés. Il est quelquefois en guerre avec ses vassaux. M. Guarmani raconte quelques-unes de ces petites luttes intérieures, qui tournent toujours à l’avantage des Ibn-Raschid. Les villages récemment ou anciennement annexés leur paient la dîme des produits du sol; mais les Bédouins donnent seulement trois mesures de beurre par tente et dix piastres pour un troupeau de vingt brebis ou chèvres. De près ou de loin, les nomades et leurs chefs viennent faire juger leurs litiges par le cheik des Shammar ou par son cadi. Pendant son premier séjour à Hail, M. Wallin a vu environ deux cents personnes qui y attendaient l’issue de leurs procès et qui étaient entretenues aux frais du libéral Abd-Allah. La maison militaire du cheik était alors composée d’environ deux cents noirs aguerris et prêts à obéir aveuglément aux ordres de leur maître. Par le moyen de ce corps de serviteurs, ainsi que par son influence personnelle, Abd-Allah pouvait faire exécuter ses volontés ou ses sentences et punir les réfractaires. Le professeur finlandais a vu un certain nombre de chefs nomades emprisonnés dans le palais pour avoir refusé de payer l’impôt, et un habitant de Hail, soupçonné d’avoir conspiré contre les Ibn-Raschid, qui avait eu les deux mains coupées. Le cheik punit souvent lui-même à coups de bâton ceux de ses sujets qui se sont rendus coupables de fautes moindres. Il y a donc une grande différence entre l’autorité exercée par le cheik des Shammar et celle des autres chefs de tribus ces derniers n’ont de pouvoir sur le moindre membre de leur tribu que par l’ascendant que leurs qualités personnelles leur ont acquis. Il faut remarquer néanmoins que dans le Djebel-Shammar, l’autorité est moins absolue et moins centralisée que dans le Nedjd proprement dit. Du reste, la plus grande sécurité règne dans la contrée.

Ce pays des Shammar, naguère encore inconnu, est aujourd’hui, grâce aux voyages de Wallin, de Guarmani et de Palgrave, une des contrées les moins ignorées du Nedjd. Leurs relations contiennent des informations précieuses sur l’état religieux de cette partie de l’Arabie, où le wahabitisme s’offre, nous l’avons dit, à l’état de secte propagandiste. Les habitans de Hail, la principale ville du Sham-