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d’une source. Vers la fin de l’été, quand les dattes sont mûres, les Arabes arrivent pour les cueillir. Par occasion, ils plantent quelques nouveaux arbres, ou bien ils se contentent d’arroser et de soigner les jeunes rejetons qui ont poussé naturellement. Deux ou trois fois ils reviennent au même endroit pendant le reste de l’année pour soigner les arbres, et, s’il y a eu beaucoup de pluie, pour y amener les ruisseaux de la montagne afin d’augmenter la quantité de l’eau, devenue trop peu abondante, vu l’extension des plantations. Par degrés, ils s’aventurent à semer un peu d’avoine ou de blé, se confiant dans le ciel pour l’arrosage. S’ils réussissent une année, ils étendent leurs champs dès l’année suivante. Deux ou trois personnes âgées restent sur le terrain en culture pour veiller à l’irrigation naturelle, pour prendre soin des champs et des arbres. Avec des baguettes et des feuillages de palmier, elles se bâtissent elles-mêmes une petite hutte, et l’année suivante d’autres les imitent, si bien qu’en peu d’années, en dix peut-être, il s’élève une vingtaine de huttes en palmier. Alors survient une saison sans pluie; pas de récolte, famine. La population nouvellement établie sait déjà qu’elle ne doit pas se fier au ciel seul, et que, pour sa subsistance, l’homme doit compter sur ses propres ressources et sur son travail. Les colons commencent donc à creuser des puits; mais les huttes de feuillages ne les protègent pas contre la pluie et contre le froid de l’hiver ils y substituent des huttes enduites de terre. Ils imaginent de nouveaux moyens de subsistance et de gain ils recueillent du bois dans les montagnes, du foin et des herbes utiles dont ils trafiquent au marché de quelque localité plus importante dans le voisinage. En même temps les frères bédouins errent dans le désert avec leurs troupeaux, et, comme auparavant, ils retournent au nouvel établissement au moment de la récolte. La condition heureuse, la vie comparativement tranquille de leurs parens fixés, décident chaque année un ou deux des nomades à abandonner la tribu quand elle repart pour le désert, et à s’établir aussi. De nouvelles huttes sont bâties, de nouveaux puits sont creusés, les plantations s’étendent à mesure que la population augmente ainsi s’élève par degrés un village dans une vallée qui d’abord n’était que temporairement et à de longs intervalles visitée par les Bédouins errans. Des besoins nouveaux et variés se manifestent. Comme le Bédouin en général a une aversion naturelle pour tout travail manuel, et, quoique établi dans des demeures fixes, garde toujours son caractère, des artisans viennent des villes voisines en quête du travail qui leur a fait défaut dans leur pays. Ils trouvent généralement à s’employer dans les nouveaux villages et s’y établissent. C’est dans les mêmes vues de gain que les marchands et les colpor-