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mis, du butin qu’ils font dans leurs expéditions, des biens confisqués sur la famille et les partisans de leurs cousins Salih, et du prix qu’ils prélèvent pour l’escorte de six cents cavaliers fournis annuellement aux pèlerins allant de Perse et de Mésopotamie à La Mecque. Vassaux des émirs du Nedjd, les cheiks des Shammar donnent au prince résidant à Ryad une partie de ce revenu et quelquefois une part du butin prélevé dans les expéditions militaires. C’est à peu près, avec un envoi de volontaires quand le Nedjd est en guerre, le seul lien qui rattache le Djebel-Shammar au suzerain, quoique les Ibn-Raschid ne nient pas leur dépendance et paraissent vivre en bon accord avec les Ibn-Saoud. Ainsi l’une des quatre femmes de Talal est la sœur de l’émir régnant au Nedjd. Bien qu’en fait le Djebel-Shammar ne relève nullement de la Porte, le nom du sultan des Turcs y est prononcé dans la prière publique.

Nous connaissons la famille régnant à Hail sous la suzeraineté des émirs du Nedjd. Voyons maintenant quel est ce peuple des Shammar, qui, sous la conduite des Ibn-Raschid, a fait de si grandes conquêtes. Les Shammar, dit M. Wallin, sont un peuple très entreprenant. Ils ont une grande propension au commerce et aux expéditions guerrières. Contrairement aux autres citadins, les habitans des villes dans le Shammar sont regardés comme supérieurs à leurs frères bédouins sous le rapport du courage et des arts. Il est certain que c’est à eux, et non aux nomades, que les Ibn-Raschid doivent l’établissement de leur autorité sur les tribus voisines. Dans les entreprises pacifiques, le peuple des villes est également supérieur aux nomades. Nous avons parlé de l’escorte fournie par les Shammar aux pèlerins persans et mésopotamiens qu’ils conduisent tous les ans à La Mecque et ramènent au tombeau de leur iman. Le chef de cette escorte est un membre de la famille régnante, et la plupart des Arabes qui accompagnent la caravane sont des citadins, tandis que le nombre des Bédouins est très restreint. Les citadins sont d’ailleurs en rapports continuels avec les. nomades pour l’achat et l’échange des chameaux nécessaires à l’agriculture. Un intérêt mutuel fait qu’il existe d’excellentes relations entre les deux classes de la population, ce qui n’a pas peu contribué à augmenter le pouvoir. de cette tribu, l’une des plus jeunes et des plus vigoureuses de l’Arabie.

Dans un passage très nouveau et très instructif de sa relation, le voyageur finlandais raconte comment, en cette partie de la péninsule les habitans passent de la vie nomade à la vie sédentaire et forment des villages. Il a assisté à cette transformation, où l’on voit en action les divers élémens de la société arabe. « Quelques familles bédouines possèdent des plantations de palmiers auprès