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émir nommé Terchy ou Turchy. Ce prince ayant été assassiné, Abd-Allah aida Fayssal, son fils, à monter sur le trône ce fut même lui qui, du haut de la mosquée, le proclama devant le peuple assemblé Fayssal par reconnaissance déposa Salih et déclara Abd-Allah cheik des Shammar; mais il n’avait à ce moment aucun moyen de l’aider à déposséder son cousin. Abd-Allah retourna donc seul dans son pays, mais plein de confiance dans son habileté et dans le crédit qu’il exerçait sur ses compatriotes. Pendant le jour, il se tenait caché dans les montagnes; la nuit, il descendait aux villes voisines d’Hail et de Kafar, dans les maisons de ses amis et adhérens, qui excitaient le peuple en sa faveur. Dès qu’il eut suffisamment organisé son parti, il tint tête ouvertement à son cousin et réussit à le vaincre. Salih, se voyant abandonné par sa tribu, prit la fuite avec ses trois frères et se dirigea vers Médine, dans l’espoir d’être secouru par le gouverneur turc. Les fugitifs furent atteints par le frère d’Abd-Allah, nommé Ubeid, qui en tua deux. Le troisième, nommé Isa, parvint à s’échapper et arriva dans la ville sainte, où le pacha le reçut avec bonté et lui promit le concours des troupes ottomanes; mais Abd-Allah envoya à Médine son frère Ubeid, qui fit au pacha une offre plus considérable que celle de son rival. D’après le récit du voyageur finlandais M. Wallin, qui visita le Djebel-Shammar en 1845 et en 1848, cette offre consistait en deux mille chameaux, une somme d’argent et d’autres présens. Ubeid l’emporta donc, et son frère fut reconnu comme cheik des Shammar; mais le pacha garda Isa auprès de lui pour forcer Abd-Allal à tenir ses promesses.

C’est aux grandes qualités personnelles d’Abd-Allah-ibn-Raschid et au courage indompté de son frère Ubeid que les Shammar, qui étaient comparativement une petite tribu, doivent la prépondérance qu’ils ont acquise sur les villages et les nomades des environs. Abd-Allah était intrépide et ferme, d’une justice stricte inclinant à la rigueur, d’une fidélité inflexible à sa parole, à laquelle on n’a pas su qu’il ait jamais manqué. Son hospitalité n’a été surpassée par personne, et sa charité envers les pauvres était telle que jamais un seul ne frappa à sa porte sans être assisté. Il avait au plus haut degré toutes les qualités qu’un Bédouin peut avoir, et c’est à ce caractère plus encore qu’à ses richesses et à sa puissance qu’il était redevable de son grand prestige sur les Arabes.

Abd-Allah mourut en 1847, après un règne d’environ dix ans. Son fils Talal lui succéda. Talal, dit M. Palgrave, est un des chefs les plus puissans et les plus riches de l’Arabie centrale. Il a huit cents esclaves noirs et six cents jumens de race. Cette richesse des Ibn-Raschid provient des taxes levées sur les villages et tribus sou-