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projet du chef des Musulans était d’en chasser l’ennemi pour donner sans doute librement la main aux montagnards du Djurdjura, appuis naturels de la cause de l’indépendance. Il attaqua cette place en l’an 25 ; mais, forcé d’en lever le siège par une marche rapide du proconsul Dolabella, il se retira sur Auzia (Aumale), où, surpris de nuit dans son camp, impuissant à rallier ses troupes en désordre, « il vendit chèrement sa vie et préféra la mort à la captivité. » Le proconsul se reposa sur sa victoire, et rien ne dit qu’il ait songé à demander compte aux tribus de la Montagne-de-Fer du soutien qu’elles avaient pu prêter à la révolte.

Ptolémée fut le dernier roi indigène. Un caprice de Caligula l’appela à Rome ; un autre caprice l’y fit périr. L’affranchi OEdémon, prétendant venger Ptolémée, son maître, soulève encore la Mauritanie et rappelle les barbares dans la lutte ; les campagnes heureuses de Suétonius Paulinus et de Geta, qui compriment ce mouvement, décident enfin la réduction de la Mauritanie en province romaine, sous la double appellation de Tingitane à l’ouest et de Césarienne à l’est (an 40)[1] ; le Mont-de-Fer fut censé appartenir désormais à la Mauritanie césarienne.

Jusqu’à la fin du IIIe siècle, l’histoire est presque muette sur le sort des tribus du Djurdjura. Le serait-elle, si elle avait eu une conquête à enregistrer ? Une phrase de Pausanias touchant les Maures indépendans qui avaient recommencé la guerre, et qu’Antonin le Pieux repoussa jusque dans l’Atlas, quelques lignes d’Hérodien présentant les cohortes romaines comme aguerries par les attaques qu’elles avaient, vers 237, à soutenir chaque jour de la part des Maures, voilà certes de bien pâles clartés. Elles suffisent à prouver cependant que le silence de l’histoire ne saurait s’interpréter par une attitude calme et soumise des populations mauritaniennes. Deux inscriptions précieuses, qui se justifient l’une l’autre et paraissent remonter vers 261, viennent heureusement confirmer l’hostilité incessante des barbares et jeter un jour vrai sur la conduite des tribus de la montagne. La première, découverte à Aumale par le voyageur anglais Thomas Shaw, est dédiée à M. Q. Gargilius, chevalier romain, commandant du pays-frontière d’Auzia en l’an 221 de la province, ou 261 de notre ère. On lui éleva un monument, dit l’épigraphe, « parce que, après avoir, à force de courage et de vigilance, pris et tué le rebelle Faraxen et sa troupe, il périt lui-même, attiré dans une embuscade par les Baouares. » La seconde, recueillie à Lambesse, porte gravées les victoires d’un certain Macrinius Decianus sur les Baouares, les Quintaniens, « et pareillement sur

  1. Pour point de départ de l’ère mauritanienne, nous adoptons l’an 40 avec M. Berbrugger, qui a déterminé cette date dans une solide argumentation sur une inscription découverte à Bougie.