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la première les marches de la piscine ; le ministre, la soutenant par le bras, lui dit : « Sur ta profession de foi en Jésus-Christ et par ton propre désir, je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » En même temps il la plonge dans l’eau. La même cérémonie se répète pour les autres sœurs, et, chaque fois que l’une d’entre elles remonte toute mouillée les degrés du bassin, un diacre lui jette sur les épaules une sorte de manteau, tandis qu’une femme commise à ce genre de service l’emmène dans une chambre voisine. On était alors au mois de janvier 1865, et l’eau devait être très froide : je tremblais à l’idée d’une telle épreuve subie par de jeunes filles ; mais elles, réchauffées sans doute par l’enthousiasme religieux, ne montraient ni crainte ni hésitation. Cette cérémonie, le baptême par immersion, a du reste un côté imposant, et tel est le respect des Anglais pour toutes les formes du culte, que même les curieux y assistent avec un grand air de recueillement. « Ils y viennent pour s’amuser et ils y restent pour prier, » dit avec trop de confiance peut-être M. Spurgeon.

Quels sont ces hommes graves qui, vêtus d’une manière uniforme, se rendent le dimanche à leur conventicule ? On les appelle vulgairement quakers, mais ils donnent à leur secte le nom de Société des amis (Society of friends). Le fondateur est George Fox, qui naquit en 1624 ; fils d’un pauvre tisserand, il avait été placé en apprentissage chez un cordonnier, quand, entraîné par la force des idées religieuses, il se sauva un jour de chez son maître et se mit à courir la campagne comme un ermite, revêtu, sinon d’une peau de chameau, au moins d’un pourpoint de cuir. Sans autre compagnie que sa Bible, il jeûnait et errait dans les endroits déserts ; dormant pendant le jour dans le tronc creux d’un arbre, il se promenait la nuit à travers les champs, comme un homme possédé du démon de la mélancolie. A l’âge de vingt-deux ans, il commença la prédication de ses doctrines. Trouvant que l’église réformée avait encore conservé dans ses formes et ses cérémonies beaucoup trop de procédés humains, il se tint tout à fait à l’écart du culte établi et voulut remonter aux sources les plus pures de l’inspiration divine. Regardant même certaines convenances sociales comme entachées d’un respect superstitieux, il n’ôtait son chapeau devant personne, grand ou petit ; il tutoyait tout le monde, le riche comme le pauvre. De 1648 jusqu’à sa mort, qui eut lieu en 1691, il occupa en voyages et en disputes religieuses le temps qu’il ne passait point de force dans les prisons. Il visita le continent à plusieurs reprises, et en 1661 il fit voile pour les colonies anglaises de l’Amérique. Par deux fois, il se rendit dans les Pays-Bas, où ses doctrines avaient poussé de profondes racines. Tel est l’homme qui fixa les principes de la