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fut chargé de soumettre complétement le Nedjd. Il s’était établi, le 6 avril 1817, devant Derryeh, capitale du pays, où l’émir Abd-Allah, fils et successeur de Saoud, se défendait courageusement. Enfin le 9 septembre le prince du Nedjd, cédant aux clameurs de la population, demanda une entrevue à Ibrahim. Le héros wahabite arriva bientôt avec une nombreuse escorte devant la tente du héros égyptien, qui le reçut avec courtoisie, mais en lui annonçant qu’il ne pouvait le laisser à Derryeh. Conduit à Constantinople, Abd-Allah, le plus brave des chefs arabes, fut amené devant le sultan, qui l’accabla d’injures. Après avoir été chargé de chaînes, il fut promené pendant trois jours dans les rues et exposé aux insultes de la populace. Le malheureux émir du Nedjd, dont le courage ne se démentit pas, eut la tête tranchée sur la place de Sainte-Sophie le 17 décembre 1818. Pendant son supplice et celui de son secrétaire, un iman wahabite, qui allait lui-même être exécuté, ne cessa de chanter et de prier. Le corps d’Abd-Allah fut livré à la populace, et les têtes des trois suppliciés restèrent exposées à la porte du vieux sérail. D’autres membres de la famille des Ibn-Saoud furent gardés en Égypte et élevés par les soins de Méhémet-Ali.

Ibrahim-Pacha, sur l’ordre qu’il avait reçu de son père, détruisit complétement la ville de Derryeh et en dispersa les habitans. La puissance expansive du wahabitisme était détruite pour longtemps ; le pays était abattu et épuisé. En même temps que le fils de Méhémet-Ali obtenait cette soumission, les Anglais agissaient de leur côté contre la partie des possessions wahabites du Nedjd qui s’étend le long du Golfe-Persique, sous le nom assez vague d’El-Haça, jusqu’à l’état d’Oman. Ils avaient plusieurs fois réprimé par la force des pirates wahabites qui s’étaient attaqués même à leur pavillon de guerre. En 1819, ils débarquèrent trois mille hommes à El-Katif et offrirent leur concours à Méhémet-Ali pour l’aider à réduire le Nedjd. C’est à cette occasion que le capitaine Sadler traversa l’Arabie dans toute sa largeur depuis El-Katif, sur le Golfe-Persique, jusqu’à Jambo, sur la Mer-Rouge. Méhémet-Ali refusa cette offre, et ses forces seules achevèrent la soumission du Nedjd.

Lorsque les troupes de Méhémet-Ali se retirèrent de ce pays à la suite des événemens de 1840, le pouvoir resta entre les mains d’un membre de la famille des Ibn-Saoud. En 1847, l’émir du Nedjd promit à la Porte un tribut de 10,000 thalaris[1]. Trois ans après, c’est-à-dire en 1850, il refusait déjà de le payer. En 1854, il n’en avait acquitté que le tiers, et en 1855 il offrit de solder l’arriéré et l’année courante en fournissant un certain nombre de chameaux et

  1. Le thalari vaut environ 5 francs.