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l’archevêque Tenison était en possession du siège de Canterbury, un de ses parens, maître de la compagnie des marchands de papier (stationer’ company), s’avisa de pousser jusqu’à Lambeth dans sa large barque pavoisée. L’archevêque envoya du vin pour les marchands, du pain nouveau, du vieux fromage et beaucoup d’ale pour les bateliers de la corporation. L’année suivante, la même barque s’arrêta de nouveau devant les murs du vieux manoir et reçut la même hospitalité. Aujourd’hui cette visite annuelle est passée en usage[1].

C’est bien à Londres que les primats de toute l’Angleterre ont leur résidence officielle ; mais, si l’on veut se faire une idée d’un ancien siège archiépiscopal, il faut se rendre à Canterbury même. Avant de partir pour cette dernière ville, je me rendis à l’auberge du Tabard ou du Talbot) en mémoire de Chaucer et de ses joyeux pèlerins. Cette vieille inn est située près de l’embarcadère de London-Bridge, au fond d’une cour qui s’ouvre sur High-street, Borough. A droite de cette cour est un public house d’apparence assez moderne, quoique l’intérieur conserve encore quelques traces d’antiquité. A gauche et en face du cabaret s’aligne, faisant retour sur l’extrémité de l’allée, un bâtiment beaucoup plus ancien, avec un rez-de-chaussée obscur, et au premier étage une galerie à jour, tout le long de laquelle règne une rampe de bois coupée de distance en distance par des piliers ronds et légers qui supportent un vieux toit de tuiles à angle droit. Ce bâtiment, tant soit peu retouché, sert aujourd’hui de dépôt au roulage du Midland railway. Il a été question de le démolir. Un tableau effacé, dont les couleurs ont été depuis longtemps lavées par les pluies, surmonte la galerie. On y lisait autrefois l’inscription suivante : « Ici est l’auberge où logèrent Geoffrey Chaucer et vingt-neuf pèlerins la veille de leur voyage à Canterbury en 1383. » Je laisserai aux archéologues le soin de décider si c’est bien là en effet l’hôtellerie chantée par le poète, ou bien une autre inn bâtie sur le même emplacement à une époque tout à fait inconnue. Sans regretter outre mesure le bon vieux temps où l’on cheminait à pied par dévotion, où florissait ce

  1. C’est le docteur Longley qui occupe aujourd’hui le siège de Canterbury. Né à Rochester en 1794, il fit ses premières études à l’école de Westminster, d’où il passa à l’université d’Oxford. Nommé examinateur public en 1815, il quitta plus tard cette charge pour être tuteur et censeur du collège de Christ-Church. Il fut présenté par ce collège à un petit bénéfice dans le village de Cowley, aux environs d’Oxford. En 1820, il devint directeur (head master) de l’école de Harrow. En 1831, il épousa l’honorable Caroline, fille aînée du premier lord Congleton. Le siège de Ripon ayant été fondé en 1830, il en fut le premier évêque. Montant ensuite comme par degrés du siège de Ripon à celui de Durham, et de l’évêché de Durham à l’archevêché d’York, il fut revêtu en 1802 de la dignité suprême de l’église anglicane.