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chapelle, celui qu’on a surnommé plus tard le précurseur de la réformation, Wicleff, comparut devant un conseil de délégués du pape réunis pour juger ses doctrines. L’affaire prenait une mauvaise tournure, lorsque le peuple osa forcer l’entrée du lieu saint, et quelques citoyens de Londres prirent même la parole en faveur de l’accusé. Devant cette agitation des esprits, les fiers prélats « tremblèrent, dit un historien catholique, comme un roseau secoué par le vent ; leurs discours, jusque-là menaçans et sévères, devinrent aussi doux que le miel[1]. » Ils défendirent seulement à Wicleff de répéter dans les écoles ou dans la chaire ses propositions hérétiques. Quelqu’un devait les répéter deux siècles plus tard avec encore plus de force, et les échos de cette chapelle, après avoir frémi de telles nouveautés, ont fini par s’y soumettre. La grande salle (great hall), rebâtie en 1570 et convertie aujourd’hui en une bibliothèque, déploie en face de la porte d’entrée une splendide fenêtre dont les vitraux peints, tels que le portrait de l’archevêque Chicheley, les armoiries de Juxon et celles de Philippe d’Espagne, époux de Marie Tudor, ont été recueillis dans les restes de l’ancien palais. Qui ne serait aussi frappé de la richesse des boiseries ? La voûte s’élance soutenue par des arcades demi-circulaires en bois de chêne ou de châtaignier, entre lesquelles se découpent avec élégance des pendentifs hardiment fouillés par le ciseau. C’est dans cette grande salle que les primats de toute l’Angleterre traitaient autrefois leurs convives, les pairs du royaume et les hauts dignitaires de l’église. Les annales du temps ont même perpétué le souvenir de la magnificence de ces festins. La salle des gardes (guard room) est précédée d’une galerie éclairée par quatre lanternes ou châssis vitrés qui versent le jour du plafond. Sur les murs se développe la série de portraits des anciens archevêques. Toute l’histoire religieuse de l’Angleterre est là. Dans ces froides et silencieuses figures revivent les principaux événemens qui ont agité pendant des siècles la conscience d’un peuple. Quel imposant concile des morts ! Au milieu de cette succession des temps, le regard cherche surtout l’époque de la réformation, le point de la rupture, comme dit Bossuet. Voici d’abord Cranmer, le noble martyr qui fut brûlé à Oxford. Entre lui et l’archevêque protestant Parker se place, comme une tache de sang, le cardinal Pole évoquant le terrible souvenir de Marie Tudor. Les calamités se précipitent ; on arrive au portrait de Laud, peint par Van Dyck ; cet archevêque, on le sait, monta sur l’échafaud, où devait bientôt le suivre Charles Ier. Avec Juxon ap-

  1. Cet historien est Walsingham, autour de Historia Angliœ. Suivant lui, cette indulgence inspirée par la peur porta un grand préjudice à la dignité des légats ainsi qu’à celle de toute l’église.