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Le pays qui aurait eu le plus à profiter de notre exemple si la France eût réalisé des réductions considérables sur son armée eût été certainement l’Italie. L’intérêt financier n’est point pour l’Italie un thème sur lequel il soit possible de broder des variations capricieuses. En présence de la convention du 15 septembre 1864 et d’un parlement nouveau, il est indispensable que l’Italie donne à ses finances une assiette certaine. Cet intérêt est d’autant plus pressant que la plupart des gouvernemens européens laissent voir chaque jour des besoins d’argent plus impérieux. De toutes parts, on voit les états recourir au crédit et se faire une concurrence ruineuse sur les marchés financiers par les conditions de jour en jour plus onéreuses auxquelles ils se soumettent à l’envi. L’arme financière de l’Italie a été jusqu’à présent le crédit. L’Italie vit d’emprunts ; mais elle doit prendre garde qu’elle rencontrera dans la compétition des emprunts des concurrens de plus en plus redoutables, et que si elle se fiait encore trop longtemps à cette ressource, elle serait obligée de subir des conditions intolérables. L’Autriche vient de contracter en France un emprunt sur le pied d’un intérêt supérieur à 8 pour 100. La Turquie est devenue, elle aussi, une emprunteuse chronique et allèche les capitaux par des intérêts de 12 pour 100. L’Espagne, dans ses expédiens de trésorerie, paie l’argent aussi cher, et il faudra bien qu’elle finisse, elle aussi, par contracter un gros emprunt. Les conditions de crédit, par le fait seul de la concurrence générale, vont donc devenir très onéreuses pour l’Italie. Il importe de bien faire comprendre cette situation à la nouvelle chambre des députés. Le ministère actuel semble fortement pénétré de cette nécessité. On se rappelle la franchise avec laquelle M. Natoli révéla le déficit au pays dans sa circulaire aux électeurs. M. Sella, en un récent discours, a montré avec beaucoup de sagacité que c’est dans les finances que l’Italie doit maintenant chercher sa principale force politique et le moyen d’accomplir ses projets d’affranchissement. Que peut-on donc faire et que va-t-on faire pour les finances italiennes ? Réduire les dépenses, ce sera difficile, car les Italiens prétendent qu’ils ne peuvent plus rien retrancher de l’armée, et bientôt d’ailleurs les garanties considérables de revenus données par le gouvernement aux compagnies de chemins de fer vont devenir effectives. Peut-on accroître les revenus ? M. Sella l’espère au moyen de l’impopulaire et terrible impôt sur la mouture. Y a-t-il à réaliser quelque ressource extraordinaire qui puisse apporter au découvert une atténuation notable ? C’est probablement à cette recherche que s’appliquera de meilleur cœur la nouvelle chambre. Une ressource de ce genre existe : ce sont les propriétés ecclésiastiques. Une appropriation radicale à l’état des biens d’église parait être le plus prochain moyen de salut des finances italiennes. C’est là une mesure révolutionnaire dont l’équité ne peut être contestée par nous, les héritiers de la révolution française. Par cette mesure, il faut s’y attendre, on ajoutera une difficulté nouvelle, et des plus irritantes, aux rapports