Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/767

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne manque pas le jour où la banque privilégiée n’escompte plus. En Angleterre et en France surtout, le jour où les établissemens privilégiés refuseraient d’escompter, il n’y aurait plus de crédit nulle part.

On a souvent argué contre les variations actuelles du taux de l’escompte que, pendant longtemps, ce taux s’était tenu à un chiffre presque invariable, à 4 pour 100 en France, et on se demande pourquoi il n’en est plus de même. La réponse est bien simple, et je l’ai déjà faite plus d’une fois. C’est qu’à l’époque dont on parle les affaires étaient loin d’être ce qu’elles sont aujourd’hui. Elles ont quadruplé, quintuplé depuis ; il a bien fallu recourir davantage au crédit, et la Banque a dû faire face à des besoins sans proportions avec ceux d’autrefois. Quant à la prétention de soumettre le taux de l’escompte à un maximum, ou de le faire régler par l’état, sous prétexte que la Banque de France jouit d’un monopole, c’est une prétention qui ne soutient pas la discussion. On peut imposer un tarif maximum à une compagnie de chemin de fer ou à toute autre entreprise industrielle qui a un monopole ; ces entreprises, à la rigueur, ont le moyen de se développer en proportion des besoins : si le tarif qu’on leur impose est trop bas, tant pis pour elles, elles seront ruinées ; mais ce ne sera qu’un malheur privé dont le public ne souffrira pas, ou dont il souffrira peu. Il n’en est pas de même avec la Banque de France. Les ressources de la Banque de France reposent sur la confiance du public, elles ne peuvent pas se développer indéfiniment en proportion des besoins, et le jour où le taux de l’intérêt dépasserait celui qu’il est permis à la Banque d’établir, le jour où les demandes afflueraient, elle n’aurait plus qu’à fermer ses caisses. Ce jour-là, les autres établissemens, n’étant plus gênés par la concurrence de la Banque de France, et privés d’ailleurs des ressources qu’ils trouvaient chez elle, élèveraient le taux de l’escompte à des prix fabuleux ; on s’apercevrait alors des services que rend la Banque de France. Si la Banque voulait abuser de son monopole et élever arbitrairement le taux de l’escompte au-delà du cours réel, elle en serait la première victime ; ses opérations diminueraient. Il y a à côté d’elle de nombreux établissemens de crédit qui lui enlèveraient tout le papier de commerce. Sait-on à quel moment elle élève le taux de son escompte ? C’est lorsqu’elle voit venir à elle du papier qui n’y vient pas d’ordinaire. Elle a la démonstration qu’en dehors d’elle l’argent est plus cher qu’elle ne le fait payer, et, si elle ne s’empressait pas de se mettre au niveau du marché, elle n’aurait bientôt plus de ressources.

La Banque, il est vrai, a de plus que les autres établissemens le droit d’émission ; mais ce droit n’est pas sans compensation. Elle