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la plus grave considération, le refus de bordereaux ne corrige pas le change aussi efficacement que l’élévation du taux de l’escompte ; il peut bien, s’il est habilement pratiqué, empêcher l’exportation de quelques métaux précieux, et encore n’est-ce pas une œuvre facile que de déjouer toutes les combinaisons de la spéculation lorsque son intérêt est en jeu ; mais il ne s’agit pas seulement d’empêcher les métaux précieux de s’en aller, il faut encore en faire venir, et à cet effet rien ne vaut l’élévation du taux de l’escompte. D’ailleurs rien n’empêche de joindre le refus des bordereaux à l’élévation du taux de l’escompte ; les deux moyens, employés ensemble, auront même plus d’efficacité : ils remédieront plus vite à l’embarras de la situation. Quant à la gradation du taux de l’intérêt selon l’échéance, c’est aussi une bonne mesure qui se pratique d’ailleurs généralement et qui ne peut avoir que d’excellens effets. Celui qui présente à l’escompte un billet à longue échéance fait courir plus de risque au capital qu’il emploie que celui dont l’effet est à bref délai, et il engage ce capital pour un temps plus long ; il est donc juste qu’il paie un peu plus cher.

Reste maintenant à examiner s’il est possible de prévenir les variations du taux de l’escompte ou de les renfermer dans de certaines limites. Vouloir prévenir d’une façon absolue les variations du taux de l’escompte, c’est caresser une chimère ; on ne peut pas plus empêcher les variations du prix de l’argent que celles du prix de toute autre marchandise. Ce prix dépend toujours du rapport de l’offre à la demande, et, comme on ne peut pas répondre qu’à certains momens l’argent ne sera pas plus demandé qu’offert ou plus offert que demandé, on ne peut pas répondre davantage qu’il ne variera point de prix. Nous voyons à chaque instant autour de nous varier le prix des marchandises les plus importantes. Tantôt c’est celui des céréales parce que la récolte a manqué, tantôt celui de la soie, tantôt celui du coton, et nous ne nous en étonnons pas, bien que nous ayons aujourd’hui pour conjurer ces variations des moyens que nous n’avions pas autrefois, la liberté commerciale par exemple et la facilité des transports. Malgré cela, nous n’évitons pas les variations de prix, parce qu’elles sont dans la force des choses et qu’il y a toujours des momens où, pour une raison ou pour une autre, l’offre n’est pas en rapport avec la demande, à fortiori pour l’argent. Avec la solidarité qui existe aujourd’hui entre les principaux marchés, quand l’argent est cher quelque part, il est cher à peu près partout, et de plus, malgré sa mobilité apparente, l’argent est peut-être la marchandise qui se déplace le moins aisément, surtout celui qui n’est pas dans la main des banquiers et qui reste dans celle des particuliers. Celui-là aime à connaître les gens auxquels il se prête, les affaires dans