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D’ailleurs, il ne faut pas se faire d’illusion, cette élévation du taux de l’escompte, si préjudiciable pour les affaires mal engagées, puisqu’elle a pour résultat de les obliger à une liquidation, n’a pas une importance extrême pour le commerce sérieux, pour les affaires qui répondent à des besoins réels. Il s’agit presque toujours d’une mesure temporaire. Supposons, par exemple, que, pour un billet de commerce de 1,000 francs à l’échéance ordinaire de quatre-vingt-dix jours on applique le taux de l’escompte à 7 pour 100 au lieu de 4 pour 100 : la prime à payer sera de 17 fr. 50 c. au lieu de 10 fr. C’est beaucoup assurément, mais est-ce assez pour empêcher une affaire sérieuse de s’engager ? Est-ce assez pour empêcher des acquisitions de céréales ou de coton, et de toute denrée qui répond à des besoins de première nécessité ? Évidemment non, et quand nous parlons d’une échéance de quatre-vingt-dix jours, il s’agit là de l’échéance commerciale la plus longue. Les billets qui se présentent à l’escompte à la Banque de France n’ont pas tant de délai à courir ; ils n’ont guère, en moyenne, que quarante-cinq jours : par conséquent la différence à payer sera de 8 fr. 75 c. au lieu de 5 francs. Aussi n’est-ce pas le commerce sérieux qui se plaint. Ceux qui se plaignent, ce sont les spéculateurs pour lesquels toute aggravation du taux de l’escompte est un échec porté à leurs spéculations. Quand quelques commerçans unissent leurs voix à ces plaintes, comme cela s’est fait à la fin de l’année dernière, c’est qu’ils y sont poussés par les suggestions de ces mêmes spéculateurs et qu’on les trompe sur leur véritable intérêt. Leur intérêt, ce n’est point de payer un peu moins cher à certains momens l’argent dont ils ont besoin, mais d’en trouver toujours, et de ne pas le voir détourner au profit de spéculations douteuses, d’entreprises étrangères ; or le seul moyen à employer pour cela, c’est l’élévation du taux de l’escompte.

L’enquête demande « quel est le moyen qui présente le moins d’inconvéniens pour le commerce, de l’élévation du taux de l’escompte, du refus d’un certain nombre de bordereaux, ou de la gradation du taux de l’intérêt selon les échéances ? » Je n’hésite pas, quant à moi, à me prononcer pour l’élévation du taux de l’escompte. Le refus d’un certain nombre de bordereaux est toujours un acte arbitraire, qui peut ne pas agir dans le sens qu’on voudrait ; on peut se tromper sur l’origine et la destination des valeurs qui sont présentées à l’escompte. Puis le refus agit d’une façon beaucoup plus dure, beaucoup plus brutale sur ceux qu’il atteint que l’élévation du taux de l’escompte ; il ruine le crédit du jour au lendemain, tandis qu’avec l’élévation du taux de l’escompte on a le temps de se liquider, et on peut éviter un désastre. Enfin, et c’est