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je demande alors à quoi bon ? Quel résultat se propose-t-on d’atteindre avec les 150 millions du capital de la Banque ? Veut-on les avoir en plus pour les opérations que fait cette banque, que le portefeuille puisse monter à 750 millions au lieu de 600 ? Soit ; mais on n’y gagnera pas d’avoir l’escompte à meilleur marché, car si, avec 150 millions de ressources supplémentaires, la Banque de France s’avisait de donner l’escompte au-dessous du cours, de ce cours qui est déterminé en dehors d’elle sur le marché par les rapports de l’offre et de la demande, et dont elle n’est et ne doit être, à proprement parler, que le thermomètre, les 150 millions lui seraient enlevés en très peu de temps, et il n’y aurait rien de changé à la situation, sinon qu’elle serait plus tendue. Qu’est-ce que 150 millions de plus à côté des besoins qui peuvent se manifester dans les momens où l’argent est cher ? C’est une goutte d’eau dans un fleuve. Une chose qui trompe le public lorsqu’il considère le bilan de la Banque de France aux momens où l’argent est à bon marché et à ceux où il est cher, c’est qu’il ne voit souvent entre les deux qu’une différence en moins de 200 millions dans l’encaisse. Il se demande alors comment, par une si mince différence, à côté des affaires considérables qui ont lieu, le prix de l’argent peut doubler, monter de 4 à 8 pour 100 par exemple, et il se dit que si l’on procurait à la Banque les 200 millions qui lui manquent, soit en augmentant son capital, soit en rendant celui qu’elle possède disponible, soit par tout autre moyen, et si on les lui donnait surtout en or, comme on s’imagine qu’on pourrait le faire, le mal serait conjuré, et qu’il n’y aurait plus de crise.

L’erreur en pareil cas est de prendre le symptôme du mal pour le mal lui-même. S’il y a 200 millions de moins dans l’encaisse de la Banque de France à certains momens, cela ne veut pas dire qu’il n’y a que ce déficit dans le capital disponible, et que, si on avait 200 millions de plus, les ressources seraient au pair avec les besoins. Ces 200 millions ne sont qu’une fraction minime du fonds de roulement de la société, de celui qui sert à toutes les opérations, et dont l’abondance ou la rareté, par rapport aux besoins, détermine le prix. Supposons que ce fonds de roulement soit de 50 milliards, et il n’est pas moindre si on en juge par le mouvement des affaires commerciales qu’il alimente : qu’est-ce que 200 millions à côté de ce chiffre ? Il est puéril de penser qu’avec un tel supplément de ressources on pourrait agir sur le taux et l’intérêt et modifier sensiblement la situation. Les 200 millions tomberaient du ciel qu’ils n’auraient, pour ainsi dire, pas d’effet, et malheureusement ils n’en tomberaient pas ; ils seraient pris ailleurs, détournés d’emplois où ils ont une place certainement plus utile. La cause de la crise ne