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besoins du commerce, comme les gros paiemens par exemple, et qu’enfin elle peut suppléer la monnaie métallique elle-même et l’économiser dans une certaine mesure. Il importe cependant de ne pas se faire d’illusion : si la monnaie fiduciaire peut suppléer la monnaie métallique et l’économiser, c’est à la condition qu’on n’en abusera pas, qu’on ne supposera pas qu’il n’y a aucune différence entre les deux, et qu’elles ne sont toutes deux que des signes de convention pour la facilité des échanges. Cette idée est le point de départ de tous les faux systèmes et de toutes les erreurs qu’on voit se produire lorsqu’on discute ces questions.

La grande erreur de certains économistes en parlant de la monnaie métallique est de croire que parce qu’elle sert à l’échange des choses qui entrent dans la consommation de l’homme, et qu’elle n’est pas elle-même, à part,quelques usages de luxe, l’objet d’une consommation, elle n’a d’autre valeur que celle qu’elle tire de cet échange, que cette valeur est toute de convention. On oublie qu’il faut deux choses pour constituer la valeur, — l’utilité et la rareté. L’eau aussi est très utile ; mais comme on peut se la procurer à volonté et sans grand travail, elle n’a aucune valeur. C’est la rareté combinée avec l’utilité qui fait la valeur de la monnaie métallique ; on ne peut pas la multiplier à volonté, il faut l’aller chercher dans les entrailles de la terre au prix d’un travail pénible et coûteux, et ce travail pénible et coûteux en constitue la valeur, il lui assure une certaine fixité. C’est un signe de convention, dit-on : c’est possible ; mais c’est un signe de convention qui s’impose, et qui jusqu’à ce jour n’a pas d’équivalent. Avec certaines combinaisons de crédit, on pourra suppléer à la monnaie métallique. On pourra encore, avec plus de rapidité dans les transactions, la faire servir à plus d’usages, comme on peut multiplier les trains sur un chemin de fer. De même pourtant qu’il y a un degré au-delà duquel on ne pourrait pas sans danger multiplier les trains sur un chemin de fer, il y en a un aussi au-delà duquel on ne pourrait pas étendre les suppléans de la monnaie sans courir le risque de n’avoir plus de mesure de la valeur et de bâtir dans les airs.

On a souvent demandé pourquoi la monnaie métallique était si nécessaire, et pourquoi par exemple on ne pourrait pas régler toutes les transactions, soit avec de la monnaie fiduciaire comme en émettent certains, établissemens de crédit, soit par des viremens ou des compensations. La réponse est bien simple : c’est que si la monnaie métallique n’était pas au bout de toutes les transactions, il n’y aurait plus de mesure à la valeur, il n’y aurait plus rien pour régler les rapports de l’offre et de la demande. Chacun produirait à sa guise, sans se préoccuper des besoins, et un beau jour on se trouverait avoir produit outre mesure des choses qui n’étaient pas