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se manifesta de temps en temps, mais incomplètement. La secte paraît au IIe siècle avant Jésus-Christ sous le nom d’esséniens, et bientôt après en Égypte sous le nom de thérapeutes, sorte de religieux qui vivaient réunis dans des couvens. La doctrine apparaît d’abord dans l’Ecclésiastique de Jésus fils de Sirach, dans le livre de la Sagesse et dans les altérations apportées à la Bible par les traducteurs grecs nommés les Septante. La secte et la doctrine avaient pris un grand développement sous les Ptolémées lorsqu’elles appelèrent l’attention par la lutte de Hillel et de Shammaï au premier siècle avant notre ère. La doctrine secrète avait passé presque entière, mais en s’altérant, dans les livres du Juif hellénisant Philon, qui vivait dans Alexandrie au temps de Jésus. C’est cette doctrine que Jésus enseigna secrètement à ses disciples, et surtout à Pierre, Jacques et Jean, leur ordonnant de la tenir en réserve pour des temps meilleurs, tandis que lui-même, par sa prédication, préparait les âmes à la recevoir. Les apôtres la conservaient secrète dans Jérusalem à la façon des esséniens d’autrefois, lorsque Paul, qui la connaissait, se donna pour mission de la répandre parmi les gentils, c’est-à-dire surtout parmi les Grecs et les Romains. Recueillie par saint Luc, cette doctrine ne prit pied dans Rome qu’après la destruction de Jérusalem et après la mort de Pierre et de Paul. Cependant l’ignorance où étaient tenus les premiers chrétiens avait fait naître des opinions dissidentes qui attaquaient la doctrine, les unes (ébionites) en niant la divinité du Christ, les autres (marcionites) en niant son humanité. L’église était solidement établie ; le moment devint propice à la publication définitive du secret, et c’est alors, dans la seconde moitié du IIe siècle, que fut livré aux fidèles dans leurs langues l’Évangile selon saint Jean. Le mystère avait donc été gardé pendant sept cents ans : il avait fallu tout ce long intervalle pour que les peuples de l’Occident se missent en état de recevoir les principes de foi légués par Zoroastre.


V

Au point où nous a conduits cette étude, je ne crois pas qu’aucune des conclusions de M. de Bunsen puisse être sérieusement contestée, car elles sont toutes appuyées sur les textes les plus précis, les plus variés, les plus authentiques, sur des faits généralement reconnus et sur les données les plus certaines de la science moderne. La conséquence que nous pouvons en tirer, c’est que le christianisme est dans son ensemble une doctrine aryenne et qu’il n’a pour ainsi dire rien à démêler avec le judaïsme. Il a même été institué malgré les Juifs et contre eux : c’est ainsi que l’entendaient les