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existait alors une telle doctrine. Or les travaux des orientalistes de notre siècle ont mis entre nos mains les livres sacrés de la Perse en vigueur au temps de Darius le Grand, de Cyrus et de leurs prédécesseurs. Ces textes, dont une traduction grecque courait de main en main plus de deux siècles avant Jésus-Christ, sont connus de tout le monde sous le titre de Zend-Avesta, et l’on sait qu’ils sont attribués à Zoroastre, l’antique législateur des Aryas de l’Asie centrale. La doctrine du secret s’y trouve tout entière, presque dans les termes employés par saint Jean ; il n’y manque que Jésus, fils de Marie. Est-il possible de douter qu’elle n’ait passé de là chez les Hébreux, lorsque déjà sous Nabuchodonosor nous voyons le prophète Daniel, tout Juif qu’il était, recevoir le titre de rab-mag (maître des mages) et occuper ainsi la première place parmi les prêtres de la religion aryenne ? Pourquoi cependant cette religion publique de l’empire n’a-t-elle produit chez les Hébreux qu’une doctrine cachée et une secte mystérieuse ? Il ne pouvait guère en être autrement chez un peuple dont toute la constitution religieuse, politique et civile procédait de Moïse, et ne pouvait admettre une religion étrangère sans se détruire : aussi depuis le temps de la captivité les sectaires ont-ils vécu à part dans la société Israélite, jusqu’au temps où, Jésus ayant donné par sa vie et sa mort un élan irrésistible à leurs idées, on les vit par la bouche de saint Paul prêchées parmi les Grecs et les Romains, et sous la plume de saint Jean et de ses traducteurs devenir le code de la société nouvelle.

Le Zend-Avesta renferme explicitement toute la doctrine métaphysique des chrétiens, — l’unité de Dieu, du Dieu vivant, l’Esprit, le Verbe, le Médiateur, le Fils engendré du Père, principe de vie pour le corps et de sanctification pour l’âme. Il renferme la théorie de la chute et celle de la rédemption par la grâce, la coexistence initiale de l’Esprit infini avec Dieu, une ébauche de la théorie des incarnations, la doctrine de la révélation, de la foi, celle des bons et des mauvais anges connus sous le nom d’amschaspands et de darvands, celle de la désobéissance au Verbe divin présent en nous et de la nécessité du salut. Enfin la religion de l’Avesta exclut tout sacrifice sanglant expiatoire, et en passant chez les Israélites elle devait nécessairement supprimer le meurtre de l’agneau pascal, remplacé par une victime idéale. C’est en effet ce qui eut lieu d’abord parmi les esséniens et les thérapeutes, ensuite parmi les chrétiens.

Voilà donc un ensemble de faits bien acquis ; essayons de le résumer. Au temps de la captivité de Babylone, la religion perse, dont les dogmes sont contenus dans l’Avesta, fit naître parmi les Juifs une secte cachée dont la doctrine, transmise par la tradition orale,