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trouve ni dans la Bible chrétienne de saint Jérôme ni dans le canon hébraïque de Jérusalem, est un écrit palestinien composé tout à la fin du IIe siècle avant Jésus-Christ. Il ne pouvait pas être inconnu à Philon, car les doctrines qu’on y trouve sont celles qui régnaient de son temps dans deux sectes affiliées, les esséniens de Judée et les thérapeutes d’Égypte, sectes qui partageaient les idées de Philon lui-même ; ce philosophe ne faisait que les reproduire, comme les premiers chrétiens, longtemps confondus avec les esséniens, les reproduisirent à leur tour dans des conditions nouvelles.

Le Livre d’Enoch nous conduit très directement aux apocryphes alexandrins, c’est-à-dire aux livres contenus dans la Bible des Septante et qui ne faisaient point partie du canon hébraïque. Les deux plus importans sont la Sagesse et l’Ecclésiastique. Le premier a été attribué, mais faussement, tantôt à un ami de Salomon, tantôt à Salomon lui-même ; il est de beaucoup postérieur à ce prince. Le second lui est antérieur, puisqu’il fut composé par Jésus, fils de Sirach, qui vivait sous le pontificat de Simon, au commencement du IIIe siècle avant Jésus-Christ. Outre ces deux écrits essentiels, il est d’un intérêt majeur de rechercher dans la Bible des Septante les passages du canon hébreu altérés par les traducteurs grecs. On s’aperçoit alors que toutes ces altérations ont été faites systématiquement dans la pensée d’harmoniser tous les livres hébraïques avec la doctrine secrète des apocryphes. Il en résulte que, tandis que les livres du canon hébreu ont pour unité la loi mosaïque, la Bible des Septante cherche son unité ailleurs, dans une doctrine qui, à beaucoup d’égards, est en opposition avec cette loi. La Bible grecque en effet tend toujours à séparer entièrement Dieu du monde visible et à donner au Messie une nature éternelle et céleste. Cette séparation conduit à la théorie des médiateurs, et le Messie est indiqué comme le plus grand d’entre eux. Dans les deux apocryphes que nous avons nommés, ces théories s’accusent nettement. Là, Dieu est déclaré un et invisible ; le premier-né parmi les créatures, c’est l’Esprit, qui est aussi le Verbe, le médiateur, le principe de sainteté et d’immortalité ; le Verbe lui-même, figuré jadis sous le nom de kabôd comme une apparition lumineuse au sein d’un nuage qui monte en colonne, devient la séchina qui habite le saint des saints, la science créée avant le commencement du monde et qui ne peut jamais défaillir, en communion perpétuelle avec l’homme, dont elle n’est point séparée. C’est la théorie du Verbe immanent, du « Dieu-avec-nous, » que les apôtres Paul et Jean ont enfin dévoilée aux peuples occidentaux.

M. de Bunsen établit de la manière la plus précise ce que l’on savait déjà moins sûrement, qu’en dehors des Écritures il y avait dans la nation juive une doctrine secrète transmise verbalement