Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/724

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assistaient aux cérémonies du temple et reconnaissaient la circoncision. Étienne, le premier, nia hautement que la loi de Moïse fût la foi nouvelle. Grec, probablement d’Alexandrie, il allait disant dans Jérusalem, avec la liberté des hommes de sa race, que l’ancienne loi était une figure, et que le temps était venu où l’image devait faire place à la réalité. Il déclara que Jésus était le Messie, c’est-à-dire le Christ, mais le Christ Verbe de Dieu, et que lui-même avait vu la gloire de Dieu dans le ciel et Jésus-Christ se tenant à sa droite. Cette première manifestation du secret fut mal accueillie : Étienne fut tué à coups de pierres par les Juifs ; Saul, qui fut Paul, était parmi eux. Les apôtres continuèrent de vivre dans Jérusalem, n’avouant rien de la doctrine secrète et judaïsant. Cependant les chrétiens dispersés se répandirent hors de la contrée : l’un d’eux, Philippe, Grec aussi sans doute et différent de l’apôtre du même nom, prêcha dans Samarie, fit des miracles et convertit un grand nombre de personnes, parmi lesquelles se trouva Simon, un des disciples de Philon d’Alexandrie. Ainsi les premiers progrès du christianisme ne furent pas dus aux apôtres, qui restaient paisibles dans Jérusalem.

Cependant, la mort horrible d’Étienne et son angélique prière ayant frappé la pensée de ses assassins, Paul se convertit sur le chemin de Damas, et à son tour commença de prêcher la doctrine du Christ. Par quelle voie était-elle parvenue jusqu’à lui ? C’est une question qui n’est pas encore entièrement résolue. Paul ne connut point Jésus et ne vit les apôtres que dix-sept ans après sa conversion ; ils étaient encore à Jérusalem. Il était né à Tarse, ville d’Asie-Mineure, l’un des deux centres de philosophie théologique, dont l’autre était Alexandrie. Il avait eu pour maître le rabbin Gamaliel, que l’on disait avoir été baptisé secrètement par Jean-Baptiste, et qui défendit les apôtres dans Jérusalem. Gamaliel avait pour père Siméon, fils de Hillel. Hillel, le premier des trois docteurs de ce nom, était né à Babylone au commencement du siècle ; il était pharisien ; fondateur d’une école restée célèbre, il avait soutenu contre le fameux Shammaï la doctrine orale, qui se perpétuait par l’enseignement secret en opposition avec l’Écriture, et dont lui-même avait approfondi l’étude dans sa ville natale. Ce fut certainement une des voies par lesquelles parvinrent jusqu’à Paul les théories secrètes dont nous aurons à parler ; mais, comme son commerce le mettait en relation avec des hommes de toute doctrine et de tout pays, il est probable qu’il reconnut l’identité de ce qu’il avait appris par Gamaliel avec la doctrine dont les apôtres de Jésus gardaient le secret. Cette doctrine, il en avait d’ailleurs saisi quelques formules dans la bouche du malheureux Étienne.

Il vit et il désapprouva la conduite trop prudente ou trop rési-