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de plus en plus moraliste et pratique. Aussi est-ce à cette époque que l’église sentit le besoin de fixer ses principes essentiels dans une profession de foi désormais invariable qui les mît à l’abri des attaques de l’ignorance et de l’oubli ; ce fut l’œuvre d’Eusèbe pour la partie historique et du concile de Nicée (325) pour le dogme ; l’un et l’autre accomplirent leur tâche sous l’impulsion et presque par l’ordre de Constantin.

Pour connaître les points de doctrine qui constituaient l’enseignement secret, il n’est donc pas nécessaire de consulter les monumens postérieurs au concile de Nicée, si ce n’est pour y chercher les documens qui peuvent s’y trouver encore touchant la période primitive du christianisme. Le livre de M. de Bunsen s’arrête à cette époque, où l’on voit que tout ce qui devait être révélé de la doctrine chrétienne l’avait été en effet. D’ailleurs les premiers siècles abondent en renseignemens de toute sorte. Il y en a de trois espèces, les livres, les rites primitifs de l’église conservés ou abolis, et enfin les monumens figurés tels qu’il s’en trouve en si grand nombre dans les catacombes de Rome. Je ferai à M. de Bunsen le reproche de n’avoir usé que des premiers et d’avoir, totalement négligé les autres. Les doctrines, surtout quand elles sont mystérieuses, sont quelquefois exprimées avec plus de netteté dans les cérémonies du culte que dans les livres ; ceux-ci d’ailleurs peuvent n’offrir que la pensée personnelle de l’auteur ou la tradition comme il l’a comprise : il n’en est pas de même des prières, des formules de foi et des autres parties du rituel qui, devant se reproduire constamment dans le lieu saint, peuvent être justement considérées comme exprimant la pensée commune. Quant aux monumens figurés, ils sont naturellement symboliques et faits pour parler aux yeux ; ils sont comme autant de comparaisons ou de souvenirs pleinement intelligibles pour les seuls initiés et ne livrant au vulgaire que la partie la plus superficielle de ce qu’ils veulent exprimer ; rapprochés des livres et des formules, ils répandent souvent dur eux une lumière inattendue, et, se répétant de siècle en siècle, ils peuvent quelquefois nous conduire aux vraies origines de tout un ordre d’idées onde faits.

Cette querelle une fois vidée, je me hâte de revenir au livre de M. de Bunsen. Les monumens écrits des premiers siècles chrétiens ont été pour lui l’objet de longues et persévérantes recherchés : un travail de comparaison lui a permis de rétablir avec la plus entière vraisemblance l’ordre chronologique de ces ouvrages et de saisir la suite des doctrines qui y sont consignées. On les voit, à partir de Jésus-Christ, apparaître les unes après les autres dans leur ordre naturel à mesure que les événemens extérieurs et le progrès interne