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qui vint attaquer les assiégeans dans leur camp. Maniaces, quittant le siège, livra bataille à Abdallah. Selon les uns, son habileté décida la victoire ; selon les autres, on la dut au courage impétueux du corps normand. Abdallah s’enfuit avec quelques amis et échappa aux coups des vainqueurs ; mais ces vainqueurs se divisèrent bientôt. Les Normands se plaignirent que Maniaces les louât beaucoup avant la bataille, les exposât beaucoup pendant le combat et leur fît la plus petite part possible dans le partage du butin. Maniaces s’emporta contre eux ; il fit même battre un de leurs chefs. Ce chef était un Italien, un Lombard nommé Ardouin, qui, feignant de se résigner à cet affront, engagea les Normands à ne pas prendre les armes pour le venger. Il fit en sorte de quitter le camp de Maniaces et de retourner en Italie, où il appela aux armes les Normands, qui y étaient déjà établis. Les Italiens, toujours disposés à secouer le joug intolérable des Byzantins, s’unirent à eux. Ce fut cette fois une révolte qui eut des chefs hardis et redoutables. Les anciens Lombards de Capoue, de Salerne, de Bénévent, s’alliaient aisément avec les Normands, race féodale comme eux, ou même ils s’étaient déjà mêlés à leurs bandes, témoin le Lombard Ardouin, qui avait reçu l’affront devenu la cause de l’insurrection. C’est ainsi que Maniaces, pendant qu’il était en train de conquérir la Sicile, perdait derrière lui l’Italie.

Maniaces était un bon général, mais il n’avait pas l’humeur facile : il avait insulté Ardouin, un des chefs normands ; il s’emporta aussi contre l’amiral byzantin. Il lui avait recommandé de surveiller attentivement les côtes et de ne point laisser échapper les musulmans vaincus. L’amiral, qui n’aimait pas à obéir à Maniaces, dont il se croyait le supérieur, négligea cette recommandation et laissa échapper Abdallah. Maniaces furieux traita l’amiral de lâche et de traître à l’empereur. L’amiral écrivit à son frère le premier ministre que Maniaces ne respectait plus l’empereur, et que, si on n’y prenait garde, on le verrait quelque jour arriver à Constantinople avec son armée rebelle pour détrôner le souverain. La cour de Byzance crut aisément à ces projets d’usurpation : elle envoya l’ordre d’arrêter Maniaces, occupé à reconquérir la Sicile. Il fut pris, jeté au fond d’un vaisseau et mené à Constantinople, où il resta près de trois ans en prison. Pendant ce temps, la Sicile fut reprise par les musulmans, et l’Italie ne fut pas reconquise sur les Normands. La mort de Michel IV fit sortir Maniaces de prison, et Michel V le renvoya en Italie pour réparer le mal qu’avait fait son absence ; mais un nouvel empereur, Constantin Monomaque, en 1042, s’inquiéta du pouvoir rendu à Maniaces. Celui-ci, informé des défiances du prince, ne voulut plus revenir à Constantinople en prisonnier ; il aima mieux y