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autres, parce que ses aventures ont aidé à l’expulsion des Byzantins en Italie.

George Maniaces commence à paraître dans l’histoire en 1030, pendant une campagne malheureuse de l’empereur Romain III en Syrie contre les Arabes. Romain avait été battu par les Arabes et s’était enfui dans les murs d’Antioche. Huit cents Arabes vainqueurs et chargés de butin passaient près d’une petite ville dont Maniaces commandait la garnison. Fiers de leur victoire et croyant que tous les Grecs avaient été vaincus avec leur empereur, ils envoyèrent dire à Maniaces de leur ouvrir les portes. Il aurait la vie sauve et pourrait se retirer libre avec ses soldats et ses bagages. Maniaces répondit qu’il demandait jusqu’au lendemain matin pour préparer son départ. En signe de soumission, il envoya aux Arabes beaucoup de vivres et beaucoup de vins. Les Arabes mangèrent et s’enivrèrent pendant toute la nuit. Quand Maniaces sut qu’ils étaient ivres et endormis, il sortit avec sa petite, garnison et massacra les Arabes, qui se défendaient à peine. Il trouva dans leur camp deux cent quatre-vingts chameaux chargés des dépouilles de l’armée grecque, et les fit reconduire à l’empereur.

Cet exploit arrivant si à propos mit en lumière Maniaces, jusque-là inconnu et qui n’avait pas encore d’envieux. L’empereur lui donna le gouvernement de toutes les villes de l’empire le long de l’Euphrate. Sous Michel IV le Paphlagonien, mauvais empereur qui gardait pourtant la tradition de la dynastie macédonienne, comme on pensait toujours à recouvrer la Sicile pour s’assurer de l’Italie, ce fut Maniaces qu’on chargea de commander l’armée, composée comme c’était l’usage du gouvernement impérial, de mercenaires étrangers. Parmi ces mercenaires était un corps de cinq cents cavaliers, moitié Italiens et moitié Normands, à la solde du prince de Salerne. Le commandement de l’armée avait été donné au mérite, c’est-à-dire à Maniaces ; le commandement de la flotte fut donné à la faveur, c’est-à-dire au beau-frère du principal ministre de l’empereur. Il y avait là aussi un calcul de défiance : on ne voulait pas que Maniaces fût maître à la fois de l’armée et de la flotte, et on mettait à côté de lui un surveillant et un rival. Le général devait défendre l’empire contre les musulmans et l’amiral défendre l’empereur contre le général : habile politique qui détruisait par la division la force même qu’elle voulait employer !

Maniaces prit Messine et mit le siège devant Syracuse ; la Syracuse musulmane se défendit aussi courageusement que l’avait fait la Syracuse chrétienne, et le sultan de Palerme Abdallah eut le temps de faire venir d’Afrique une armée d’Arabes et de Berbères