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une proie à dévorer. Ainsi en 1003 et 1005 nous voyons les Pisans et les Vénitiens venir au secours des Byzantins de la Pouille et de la Calabre. Les Pisans viennent défendre les côtes occidentales de l’Italie méridionale, les Vénitiens les côtes orientales : intervention à noter dans l’histoire, parce qu’en face de l’affaiblissement des municipalités républicaines de l’Italie du sud elle montre l’accroissement de puissance des républiques maritimes de l’Italie du nord. Pise et Venise ne songent pas à faire des conquêtes ou des établissemens dans l’Italie méridionale ; mais elles s’essaient à s’assurer l’empire de la Méditerranée, et c’est déjà une preuve de leur grandeur croissante que de voir les Byzantins demander secours à Pise et à Venise. La puissance maritime de Constantinople, jadis maîtresse absolue de la mer, commence à décliner. Ce n’est pas encore tout à fait le moment de l’empire grec décrit par Montesquieu, et qui précède sa chute de peu de temps quand il peint « cet état qui dominait sur plusieurs îles, qui était partagé par la mer, qui en était environné en tant d’endroits, et qui n’avait plus de vaisseaux pour y naviguer[1] ; » mais il y avait déjà un principe de ruine dans cette prépondérance accordée volontairement aux marines de Pise et de Venise.

Dix ans après, les princes lombards de Salerne, pour repousser les incursions des musulmans, appellent de leur côté les Normands, qui, par la défense de Salerne, viennent inaugurer leur destinée en Italie. A la fin du Xe siècle et au commencement du XIe, l’arrivée de la marine pisane et vénitienne dans les deux mers de l’Italie méridionale et l’apparition des Normands à Salerne semblent partout annoncer en Italie l’ascendant décisif de l’avenir sur le passé. Des puissances nouvelles, peu redoutées il y a encore un siècle, et d’autres entièrement inconnues, — Venise et Pise d’une part, les Normands de l’autre part, — entrent dans l’histoire et vont bientôt la dominer, tandis que les vieilles puissances, — le bas-empire, les principautés lombardes, — s’effacent peu à peu devant les nouveaux maîtres du destin.

La chute définitive des Byzantins dans l’Italie méridionale est représentée tout entière dans la biographie de Maniaces, général byzantin, ou plutôt un de ces capitaines d’aventure qui se font place par leur talent et par leur audace à travers la confusion du bas-empire, et auxquels il n’a manqué pour être empereurs que le succès d’une révolte ou d’une conspiration. Les aventures de Maniaces sont celles de je ne sais combien d’aventuriers qui l’avaient précédé. Son nom a dans l’histoire un peu plus de relief que les

  1. Grandeur et Décadence des Romains, ch. XXIII.