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Depuis que les musulmans étaient maîtres de la Sicile entière, et que cette île était leur place forte dans la Méditerranée, ils attaquaient sans cesse l’Italie méridionale ; ils s’y faisaient même des établissemens d’où ils s’élançaient par toute l’Italie et jusqu’aux portes de Rome. Sous Constantin Porphyrogénète (911-959), une expédition byzantine vint relever en Italie la fortune de l’empire. C’était en 956 ; les musulmans, divisés par des factions, se combattaient entre eux au lieu de poursuivre leurs conquêtes en Italie. L’expédition byzantine s’occupa surtout de faire rentrer sous le joug impérial les principautés lombardes, qui s’étaient relevées d’une première chute, et les municipalités italiennes, qui étaient des républiques presque indépendantes, comme Naples par exemple, qui avait alors une histoire nationale, tandis qu’elle n’a plus eu depuis que celle de ses conquérans étrangers. Les empereurs byzantins ne savaient pas qu’à détruire les principautés lombardes et les républiques municipales de l’Italie méridionale, ils abattaient d’avance les obstacles qui pouvaient arrêter la conquête normande.

Encouragés par leurs succès en Italie, les Byzantins, sous Phocas (964), songèrent à recouvrer la Sicile. Phocas, bon général avant d’être empereur, et qu’une élection militaire avait porté sur le trône, sut bien préparer et organiser l’expédition ; mais il n’osa pas mettre à la tête de l’armée ses meilleurs généraux, craignant que leurs victoires ne leur créassent des titres à l’empire. Il prit pour amiral un eunuque, Nicétas, qui était brave, et qui de plus était un savant théologien, mais qui n’était point un marin, et pour général le bâtard d’un de ses oncles, jeune homme courageux, mais imprudent. C’étaient des choix de cour et des calculs d’usurpateur. L’expédition échoua en Sicile après quelques succès : la flotte même fut moitié brûlée, moitié prise par les musulmans. L’amiral eunuque fut fait prisonnier et conduit à Mehedia, en Afrique, où il trouva, pour le consoler de sa captivité, un beau manuscrit des Homélies, qu’il copia avec soin, et cette copie est aujourd’hui à la Bibliothèque impériale de Paris[1].

L’échec des Byzantins en Sicile ne détruisit pas leur domination dans la Pouille et dans la Calabre ; mais ils ne savaient pas rendre cette domination légère et douce à leurs sujets. De là de fréquentes révoltes, et dans leur désespoir les Italiens ne manquaient pas d’appeler les musulmans de Sicile, qui venaient piller le pays sous prétexte de le délivrer. Les Byzantins à leur tour appelaient contre les musulmans d’autres défenseurs, qui accouraient comme vers

  1. Amari, t II, p. 272.