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oncle de Michel III, et il assassina aussi Michel. Après cela, il régna avec habileté, avec sagesse, avec justice, releva l’empire et fonda la plus longue dynastie qui ait régné à Constantinople. Les moralistes de Port-Royal diraient que Dieu permet ces choses-là afin que nous comprenions ce que vaut au fond le pouvoir ici-bas, puisqu’on peut l’acquérir à de pareils prix. Malgré le courage et l’activité que Basile montra dans son gouvernement, c’est sous son règne pourtant que Syracuse fut prise et que la Sicile se soumit à la domination des musulmans.

Ce siège de Syracuse est un des épisodes les plus intéressans de l’histoire des musulmans de Sicile. En rapprochant les uns des autres les historiens byzantins des chroniqueurs arabes, M. Amari a fait du siège de Syracuse un récit éloquent et dramatique. Je demande la permission d’en traduire les dernières pages. La brèche était ouverte, et les musulmans avaient plusieurs fois donné l’assaut sans pouvoir vaincre l’héroïque résistance de la garnison byzantine, aidée par le dévouement des Syracusains. « Pendant vingt jours et vingt nuits, les chrétiens, épuisés par neuf mois de siège et de famine, défendirent cette brèche couverte de cadavres. Il y avait cent musulmans contre un chrétien, dit le moine Théodose, qui a raconté cette admirable défense, à laquelle il prit part ainsi qu’aux dernières et lamentables épreuves qui la terminèrent. Fatigués et mécontens d’être arrêtés si longtemps par une bande de squelettes plutôt que d’hommes, sur un monceau de ruines plutôt que sur un rempart, les musulmans s’éloignèrent un instant. Le matin du 21 mai 878, tout paraissait calme et tranquille ; le gouverneur et la plus grande partie des soldats s’étaient retirés un instant pour prendre un peu de nourriture et de repos. Jean Patriano était resté avec quelques soldats pour garder la brèche du haut de la tour qui la dominait, quand, à six heures, toutes les machines de l’ennemi se mettent à lancer des traits et des pierres avec le fracas d’une tempête. L’échelle de bois qui communiquait de la ville à la tour, et qui était le but des projectiles ennemis, se brise avec un grand bruit. À ce bruit, le gouverneur s’élance de table, court à la brèche, suivi de ses plus intrépides soldats : il n’était plus temps ; l’ennemi s’était élancé sur la tour, avait massacré ses défenseurs et faisait irruption dans la ville. Une troupe de soldats essaya de tenir tête encore aux ennemis devant l’église du Sauveur. Elle fut écrasée par le nombre et mise en pièces. Alors les vainqueurs, heurtant avec force les portes de l’église, les brisent, entrent ; il y avait là une foule immense d’hommes, de femmes, d’enfans, de vieillards, de malades, de prêtres, de moines, d’esclaves, qui s’étaient réfugiés au pied des autels : les musulmans en font un affreux carnage. De