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Constantinople. En Sicile, Muscegh repoussait les attaques des musulmans et commençait à reconquérir les villes qu’avait perdues l’empire, quand ses ennemis l’accusèrent de s’entendre avec les musulmans pour s’emparer de l’île et s’ériger en prince indépendant. Théophile était un assez bon empereur ; mais il était déjà le second de sa dynastie, et déjà loin par conséquent des bonnes inspirations de la vie privée. Il crut aux calomnies de ses courtisans contre Muscegh et le rappela. Muscegh était instruit de sa disgrâce et hésitait à revenir, ce qui aidait à la calomnie. Théophile alors lui envoya un archevêque en protestant de son affection constante pour Muscegh. Il le chargea d’un sauf-conduit et lui remit, comme gage de sa bonne foi, une croix qu’il portait toujours sur sa poitrine. L’archevêque fut trompé par l’empereur et n’en trompa que mieux Muscegh. Le général calomnié revint à Constantinople avec lui, fut jeté en prison, battu de verges, et ses biens furent confisqués. L’archevêque reprocha en pleine église son parjure à l’empereur, qui le fit arracher de l’autel, flageller, et enfin l’exila. Le patriarche de Constantinople osa aussi faire des remontrances à l’empereur ; elles le touchèrent. Théophile avait des caprices en bien et en mal ; il en eut un de justice : il fit sortir Muscegh de prison, lui rendit ses biens et voulut lui rendre ses emplois et son commandement. Muscegh refusa : il était las du monde et de la cour. Il employa ses biens restitués à bâtir un monastère et il s’y renferma. Que dites-vous de cette scène de la cour de Byzance qui semble déjà une des scènes de la cour des sultans de Constantinople ? Et ce chapitre d’histoire n’explique-t-il pas comment l’empire grec se relevait de temps en temps par le courage de quelques empereurs et de quelques généraux, comment il retombait bientôt par les vices du despotisme et les intrigues de la cour, comment enfin le zèle de la religion, peut-être même le goût de la théologie, qui, mieux que le patriotisme, soutenait cet empire contre les musulmans, soutenait aussi les honnêtes gens de l’empire contre les déboires et les injustices de la cour et du monde ? Mais c’était malheureusement à la condition de quitter ce monde qu’ils privaient de leur appui, de telle sorte que dans ce malheureux empire l’amour même du bien se tournait en impuissance contre le mal.

Basile le Macédonien fut aussi un des restaurateurs intermittens de l’empire grec, un des défenseurs de la Sicile et surtout de l’Italie méridionale contre les musulmans. Il est impossible d’arriver à l’empire par plus de hontes mêlées à plus de crimes que ne le fit Basile. Il avait épousé une des maîtresses de l’empereur Michel III ou l’Ivrogne ; il lui avait donné sa propre sœur pour remplacer sa maîtresse répudiée ; il avait assassiné le césar Bardas,