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solitaires qu’ils ne le voulaient : une vieille ville était venue se bâtir près de la vieille abbaye pour s’abriter sous son influence. Plus tard, la vieille ville a été peu à peu abandonnée, et au commencement du XVIIe siècle une ville nouvelle, une ville de villégiature et de plaisance, s’est bâtie dans la vallée qui, par Vietri, débouche vers la mer. La solitude primitive du couvent s’est retrouvée ; mais elle a retenu ses pieux habitans, qui ont continué à y vivre avec leur foi, avec leurs souvenirs, avec leurs livres, avec leurs manuscrits et leurs diplômes, dont ils ont fait un savant catalogue. Un bruit seulement s’est ajouté à leur vie, celui du chemin de fer de Vietri, qui passe en grondant au fond de la vallée.

Au couvent de la Cava et surtout en face du manuscrit des lois lombardes, il est impossible de ne pas songer au duché lombard de Bénévent. Bénévent n’a un nom dans l’histoire que parce qu’il a été le dernier siège de la civilisation lombarde.

Au temps de leur puissance, les Lombards avaient fondé en Italie trois grands duchés destinés à servir de boulevard à leur royaume, le duché de Frioul au nord contre les invasions barbares, le duché de Spolète au centre de l’Italie contre les Grecs de Ravenne et contre les Romains et la papauté, le duché de Bénévent dans l’Italie méridionale ; ces deux derniers duchés, Spolète et Bénévent, étaient, dans la pensée des Lombards, deux étapes pour leurs conquêtes futures. Lorsque les carlovingiens de France renversèrent le royaume des Lombards et détruisirent la première tentative de l’unité de l’Italie avant nos jours, les trois duchés lombards ne tombèrent pas avec la royauté lombarde. Les deux premiers cependant, Frioul et Spolète, disparurent dans l’anarchie de l’Italie au IXe siècle. Bénévent survécut, et perpétua dans l’Italie méridionale pendant plus d’un siècle encore la gloire du nom lombard[1]. Bénévent a compté parmi ses ducs de grands guerriers et d’habiles politiques qui faillirent presque fonder dans l’Italie méridionale le royaume que fondèrent plus tard les Normands. A la renommée des armes s’ajoutaient celle de la religion et celle de la science. Les ducs de Bénévent bâtissaient beaucoup d’églises ; ils plaçaient dans ces églises de précieuses reliques. Saint Janvier avait été évêque de Bénévent. Quand l’arrière-petit-fils de Charlemagne, l’empereur Louis, vint dans l’Italie méridionale combattre et vaincre les Sarrasins et couronner d’un dernier rayon de gloire la race prématurément abâtardie des carlovingiens, un chroniqueur du temps dit qu’il y avait à Bénévent trente-deux philosophes[2] ! Sans doute

  1. Fondation du duché de Bénévent, 589. — Didier, dernier roi des Lombards, 774. — Prise de Bénévent par les Byzantins, 891.
  2. « Tempore quo Ludovicus Samnitibus præerat, triginta duo philosophos Beueventum habebat. » L’anonyme de Salerne.