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de l’élection de Mac-Clellan. — « 20 millions d’hommes soumis à 300,000, maîtres d’esclaves ! — Une confédération du nord-ouest ! Une insurrection démocratique (voir les menaces du World et du Chicago-Times) ! — Mac-Clellan à la tête de la révolte (voir les discours à la convention de Chicago) ! — La guerre portée d’Atlanta et de Richmond à New-York, Philadelphie, Cincinnati et Chicago (voir les journaux de Richmond, complices des copperheads) ! — Barricades, guerre civile, — nos rues pleines de sang, — nos campagnes dévastées, — le crédit de l’état ruiné, — l’or à 2,000, le prix des denrées en proportion (voir l’Histoire de la Révolution française et le règne de la terreur à Paris) ! En doutez-vous ? Voici le tableau comparatif des prix républicains, des prix démocratiques, des prix de Mac-Clellan, tels que les ferait son compromis avec Jeff. Davis, c’est-à-dire la garantie de la dette rebelle et le paiement des frais de la guerre aux états du sud, — des prix rebelles enfin, tels qu’on les verra, si Belmont[1] réussit à soulever une insurrection démocratique. Le thé, qui coûte maintenant 1 dollar la livre, en coûtera 200 ; le sucre en coûtera 50, et ainsi du café, du tabac, des épices, des toiles, cotons, lainages, du charbon, du fer, du cuivre ; — le plomb seul, hélas ! n’abondera que trop. Si ce tableau vous sourit, votez la liste rebelle. Si au contraire vous voulez que le drapeau de l’Union flotte glorieusement des lacs au golfe, de l’Atlantique au Pacifique, sur cent états libres et pas un despote, sur cinquante et dans peu d’années cent millions d’hommes et pas un esclave, alors nettoyez le pays, une fois pour toutes, de ce parti avide (Floyd), perfide (Buchanan), hypocrite (Seymour), furibond (Vallandigham), traître (les fils de la liberté !), infâme (Fernando Wood), vendeur de nègres, auteur de révoltes, de dettes et d’impôts, qui s’intitule le parti démocrate !… Votez pour Abraham Lincoln ! »

En dépit de ces fusées, incendiaires, l’assemblée restait flegmatique et froide, poussant à peine, pour la forme, quelques hurrahs de politesse : on allait, on venait, on chuchotait avec un air de désœuvrement et d’ennui. Un passant pénétra dans le groupe et cria three cheers for Mac-Clellan ! On se mit à rire. Le lendemain, la Chicago-Tribune racontait la procession, le meeting en termes emphatiques, dignes des récits qu’on fait chez nous des « enthousiasmes indescriptibles » qui suivent partout les princes… « On voyait, disait-elle, les copperheads s’enfuir pâles et effrayés, comme frappés d’avance, du sort qui les attend le 8 novembre. » Il faut se défier de tous les récits de manifestations triomphales, de « meetings

  1. M. Auguste Belmont est un des chefs du parti démocrate.