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avec leurs baies, leurs fruits et leurs fleurs, parmi des oiseaux, des animaux, serpentent, encadrant des groupes, des figures animées, élancées, d’une grande tournure. Cette abondance de formes vraies et vivantes est propre au XVIe siècle ; il a découvert la nature en même temps que l’homme. Entre ces deux portes, il y a le travail de cinq siècles.

Rien à dire sur le Baptistère et la Tour penchée ; c’est la même idée, le même goût, le même style. L’un est un simple dôme isolé, l’autre un cylindre, chacun avec un revêtement de colonnettes. Et pourtant chacun a sa physionomie parlante et distincte ; mais la parole et l’écriture emploient trop de temps, et il faudrait trop de termes techniques pour marquer les nuances. Je note seulement cette inclinaison de la tour. On suppose qu’à demi construite, elle s’est infléchie, et que les architectes ont continué, puisqu’ils ont continué, cette inclinaison ne les choquait qu’à demi. En tout cas, il y a d’autres tours penchées en Italie, à Bologne par exemple ; volontaire ou demi-volontaire, cette bizarrerie, cette recherche du paradoxe, cet abandon à la fantaisie, sont un des traits du moyen-âge.

Au centre du Baptistère est un superbe bassin à huit pans ; chacun de ces pans est incrusté d’une riche fleur compliquée, tout épanouie, et chaque fleur est différente. Alentour, de grandes colonnes corinthiennes font cercle, portant des arcades à plein-cintre ; la plupart sont antiques et ornées de bas-reliefs antiques ; Méléagre, avec ses chiens aboyans et les torses nus de ses compagnons, assiste aux mystères chrétiens. — Sur la gauche s’élève une chaire pareille à celle de Sienne, premier ouvrage de Nicolas de Pise[1], simple coffre de marbre posé sur des colonnes de marbre et revêtu de sculptures. Le sentiment de la force et de la nudité antique s’y déploie en traits éclatans. Le sculpteur a compris l’assiette et les torsions des corps. Ses figures, un peu massives, sont grandes et simples, souvent il retrouve les tuniques et la forme plissée du costume romain ; lin des personnages nus, une sorte d’Hercule qui porte un lionceau sur ses épaules, à la poitrine large et les muscles agissans qu’aimaient les sculpteurs du XVIe siècle. Quel changement dans la civilisation humaine, quelle accélération, si ces restaurateurs de l’ancienne beauté, si ces jeunes républiques du XIIe et du XIIIe siècle, si ces inventeurs précoces de la pensée moderne avaient été livrés à eux-mêmes comme les anciens Grecs, s’ils avaient suivi leur pente naturelle, si la tradition mystique ne s’était point rencontrée pour borner et faire dévier leur effort, si le génie

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