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pulsion aux opérations militaires. Tout l’intérêt de la lutte se concentre de ce côté sur le siège d’Urujuayana, où six mille Paraguayens se sont renfermés, et qui est entouré par une partie de l’armée alliée. Pendant ce temps, à une assez grande distance de là, le président Lopez poursuit, malgré l’échec de son escadrille, l’occupation de la province de Corrientes.

Les troupes du Brésil et de Buenos-Ayres sont plus nombreuses, mieux armées que celles de leur adversaire. Les forces paraguayennes ont plus d’homogénéité, plus d’unité; elles sont surtout mieux disciplinées. Une sorte d’anarchie militaire dont les armées d’origine espagnole ne sont malheureusement pas toujours exemptes règne en ce moment dans l’armée alliée. Dès l’entrée en campagne, le contingent de Corrientes s’est débandé, bien qu’il fût sous les ordres d’Urquiza. C’est en vain que le vieux gaucho s’est engagé à réunir dans un délai d’un mois ses divisions dispersées et à ramener sous les drapeaux de la république un nombre d’enrôlés plus considérable. que celui qu’elle a perdu. Tous les efforts tentés pour rallier les cavaliers de l’Entre-Rios ont jusqu’à présent été inutiles. On retrouve également cet esprit d’insubordination et ces tristes rivalités sous les murs même d’Uruguayana, la ville assiégée. Une divergence d’opinions parmi les généraux chargés d’investir cette place paraît avoir entraîné un sérieux retard dans l’attaque. Aucun d’eux n’ayant voulu reconnaître l’autorité d’un commandant en chef, bien que des stipulations précises eussent réservé cette qualité au baron de Porto-Allegue, l’amiral Tamandare a dû se rendre auprès du général Mitre pour l’avertir de la situation, et il n’a fallu rien moins que l’arrivée du commandant supérieur de l’expédition pour résoudre ces difficultés et rendre le siège efficace.

Malgré ces vices, inhérens peut-être à une organisation militaire improvisée, les Brésiliens et leurs alliés ont, comme les Paraguayens, bravement fait leur devoir à l’occasion. Toutes les rencontres ont été singulièrement meurtrières, et on ne peut s’empêcher de se demander, en lisant les détails de ces tristes luttes, si elles sont bien nécessaires et bien justifiées. En supposant que le dernier mot reste au Brésil, à Buenos-Ayres et à Montevideo, quels avantages les trois alliés espèrent-ils retirer des efforts auxquels ils se condamnent aujourd’hui? Pourquoi tout ce sang répandu? pourquoi cet argent jeté dans des armemens stériles? Ne serait-il pas mieux employé à ouvrir des routes, à construire des chemins de fer, à assainir des ports, à défricher des forêts, à exploiter des mines, à secourir même ces essais de colonisation entrepris au Brésil, qui dépérissent faute d’appui et de capitaux? Est-ce une question de prépondérance que le cabinet de Rio veut faire résoudre dans la Plata? Mais cette influence dominante, aucun état riverain ne la lui conteste. Le vaste empire sud-américain, par la stabilité de son gouvernement, par l’étendue de ses alliances dynastiques, par le chiffre de sa population, jouit dans ces parages d’une situation que le Paraguay surtout ne songe pas il lui disputer. S’agit-il sérieusement