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dont il serait difficile de caractériser aujourd’hui les différences politiques, car l’un comme l’autre est subdivisé en conservateurs et en progressistes, l’un comme l’autre compte même des socialistes. Au moment où la flotte brésilienne a paru devant la ville, les blancos étaient au pouvoir; mais ils avaient naturellement à lutter contre une insurrection colorado dont les forces, commandées par Florès, erraient dans la campagne sans grande chance de succès, au moins immédiat. Le Brésil, oubliant que c’est son influence qui avait, il y a peu d’années, créé cet état de choses en renversant une administration colorado pour la remplacer par une administration blanco, a ouvertement appuyé Florès, qui, surpris de ce secours inespéré et tout-puissant, s’est trouvé bientôt maître de la situation. Le gouvernement montévidéen a été changé, et le cabinet de Rio a obtenu un traité faisant droit à toutes ses prétentions.

Telle a été la première phase de cette affaire, et au point où elle était alors parvenue, on pouvait la considérer comme terminée. C’est à ce moment toutefois qu’on apprenait qu’une triple alliance allait réunir les deux adversaires de la veille, renforcés par la confédération argentine, contre la république du Paraguay. Quelles sont au fond les causes réelles de cette nouvelle guerre? Si l’on accepte les motifs indiqués par les puissances belligérantes elles-mêmes, ce serait une question de limites pendante depuis des siècles qui les mettrait aujourd’hui en présence. Le Brésil, qui développe sur l’Atlantique, entre l’Amazone et l’Uruguay, une ligne immense de rivages, s’étend à des profondeurs presque sans bornes dans l’intérieur du continent. C’est ainsi qu’il touche, à des distances infinies de sa capitale, au petit état paraguayen, établi et resserré entre deux grands fleuves, au cœur même de l’Amérique du Sud. De là des contestations de territoire qui datent du temps où Espagnols et Portugais, également colonisateurs, se disputaient les champs vierges du Nouveau-Monde. La discussion porte aujourd’hui, comme elle portait alors, sur deux points d’abord la délimitation du Grand-Chaco, puis la propriété du territoire compris entre le Rio-Blanco et la rive droite de la rivière Apa. La solution de la première de ces questions n’a jamais offert de grandes difficultés. Il a toujours été convenu que l’on prendrait pour limites, du côté du Chaco, la Bahia ou le Rio-Negro; mais le règlement des frontières entre l’empire brésilien et le Paraguay devant être fait en même temps sur tous les points où ces deux pays se trouvent en contact, leurs gouvernemens n’avaient encore rien conclu de définitif, pas plus sur la délimitation du Grand-Chaco que sur la propriété du territoire situé entre le Rio-Blanco et la rivière Apa, lorsque les hostilités ont commencé.

La république argentine et le Paraguay ont également des contestations de territoires. Ces deux anciennes colonies espagnoles, en devenant indépendantes, n’ont pas su établir distinctement leurs délimitations respec-